Format rectangle proche de celui d’un roman, coins arrondis, pages cartonnées et verni sur certains éléments de la couverture, on commence à identifier cette série d’albums chez Thierry Magnier, dans la-quelle les titres Panda et Pomme pomme pomme avaient déjà retenu mon attention.
Dans l’imagier mouillé aussi il y a peu de texte, un graphisme impeccable et un livre qui peut être lu dès le plus jeune âge.
A l’intérieur, comme sur la couverture, des images très lisibles et contrastées que les bébés auront plaisir à toucher, gratter, lécher même, pour peu qu’on les laisse faire.
Comme le litre l’indique, il s’agit d’un imagier thématique: un mot par page, une représentation de ce mot, emballé c’est pesé. Mais heureusement, les auteurs ont bien compris que même dans un imagier on peut toujours raconter des histoires aux enfants, on peut toujours leur donner à voir des images qui racontent plus qu’elles n’illustrent.
Ainsi, autour du thème de l’eau nous avons ici la goutte, présentée toute petite en haut de la page, au-dessus d’un escargot sur une salade, puis la rosée, multitude de gouttelettes sur une toile d’araignée etc.
Autant que les images elles-même, c’est parfois leur succession qui se fait narratrice, quand par exemple on voit un pingouin faire du toboggan sur un iceberg pour illustrer les mots « Glisser » puis « éclabousser ».
Ici, l’image et le texte se répondent, comme à la page où « Lac » fait face à « flaque ». Faisant échos à l’allitération du texte, la même forme se retrouve représentant les deux étendues d’eau, la différence de perception tenant à l’échelle à la-quelle la forme est représentée.
Voilà donc un album à la fois très accessible garce à son apparente simplicité et dont la richesse peut faire cogiter les bambins qui, comme chacun sait, ne demandent qu’à réfléchir.
Crocs, Terkel Risbjerg, Thierry Magnier, tête de lard
Si la couverture nous montre une petite souris, triomphante, qui semble avoir terrassé un crocodile beaucoup plus gros qu’elle, à l’intérieur du livre on la trouve en bien plus mauvaise posture.
Elle galope, petite silhouette fragile, sur la page de droite tandis que le prédateur, tout crocs dehors, pose sur elle un œil menaçant. Mais on voit déjà qu’elle est dotée d’un certain bagout. « Aaaaaah! Je donnerais bien tout mon parmesan pour qu’il oublie sa faim celui là.
Elle est suffisamment futée pour comprendre qu’à la course, le croco est donné vainqueur à dix contre un. Changement de technique, donc. Elle va se battre avec une arme qu’elle maîtrise: sa verve. Elle arrête net le croco et entreprend de lui décrire, avec détails, son arbre généalogique.
Avec emphase, elle invente une mère sorcière adepte de la magie noire, un dragon de compagnie, un cousin géant. Si le récit se voulait d’abord menaçant, on glisse petit à petit vers une version des contes des milles et une nuits et la souris, légèrement cabotine, se prend au jeu. Elle met tant de conviction dans son histoire qu’elle ne perçoit pas que son interlocuteur est parti dans les bras de Morphée.
Mais notre petite souris ne serait-elle pas quelque peu orgueilleuse? Si ses qualités d’oratrice lui ont sauvé la mise, ce petit défaut risque bien de causer sa perte.
Est ce vraiment pour retarder le moment du coucher ou est ce parce qu’il veut connaître la réponse à sa question? Toujours est il que c’est juste au moment e se mettre au lit pour la longue nuit, celle qui dure tout l’hiver, que le petit panda à une interrogation de la plus haute importance: « Comment on fait les bébéééééés? » C’est papa ours qui entreprend de répondre à son petit. Une réponse en apparence plus poétique que technique, mais une réponse vraie et sincère.
Avec des images en noir, blanc et rouges, rehaussées d’un peu de vernis sur certains éléments clefs, l’histoire de la naissance est abordée en douceur.
L’évidence d’abord: Un ours, une ourse, réunis dans leur différence. Tel le yin et le yang, ils s’enlacent tendrement. Puis un tout petit point rouge apparaît, il semble être le point de rencontre des corps.
L’image est toujours centrée sur le bébé et le texte met en valeur la présence constante des deux parents.
Chaque page de cet album permet une double lecture, l’aspect symbolique et poétique, souvent mis en évidence par le texte et l’aspect très réaliste: sur l’image on peut voir le baiser des parents, le fœtus qui grandit, le cordon ombilical.
Les enfants les plus jeunes seront captivés par le contraste des images, la musicalité des mots. Les plus grands y trouveront des pistes de réflexion et de discussion autour de la naissance.
C’est un album que je propose aussi volontiers à des nourrissons (il est très intéressant à toucher, avec les pages cartonnées mates et les points vernis qui brillent) qu’à des enfants qui aiment déjà les longues histoires.
Tout de même, j’ai été interpellée par ma cadette: « Mais maman, un papa ours noir et une maman ourse blanche, ça ne fait pas un panda, ça fait un ours (gris)! ». Certes. C’est ainsi dans la vie. Mais, dans les histoires, on fait comme on veut.
Un album coup de cœur chez Pépita.
Et n’oubliez pas que vous pouvez me retrouver sur facebook.
La pomme est rouge et brillante, comme une pomme d’amour. Accrochée en haut de la page, elle capte immanquablement l’œil des bébés.
L’image très contrastée et d’une grande lisibilité attire aussi les petites mains: On caresse, on tape, on gratte.
Pomme.
Pomme pomme pomme.
Comme une ritournelle, le texte minimaliste s’égraine, aussi épuré que les images. La pomme tombe du pommier. Par on ne sait qui, elle est croquée. Sur la terre un pépin est resté, qui sera arrosé pour devenir à son tour un pommier et la boucle est bouclée.
C’est vraiment un bien joli album, aux pages cartonnées, aux angles arrondis, qui convient bien aux mains des bébés.
Sur chaque page, le vernis de la pomme contraste avec le papier mat du reste de l’image. Les enfants s’amusent à voir la lumière s’y refléter ou à y passer les doigts.
Dans sa grande simplicité, cet album réserve pourtant quelque surprises au lecteur: changement de rythme dans le texte, fond noir dans l’image qui succède aux pages toutes blanches. Et une quatrième de couverture qui incite à recommencer la lecture pour reprendre du début le cycle de la vie.
Une petite comptine se glisse au milieu, ce qui contribue à attirer l’attention des bébés.
Un album coup de cœur pour Pépita et intégré au (magnifique) tapis à histoire sur le potager de Bouma.
Emmanuelle Houdart est une artiste qui a un style bien reconnaissable. Des couleurs chatoyantes, des images très rock’n’roll et sensuelles à la fois.
Dans cette boite à images, elle s’adresse aux enfants les plus jeunes. Le format, les pages cartonnées, les coins arrondis des livres en attestent. De prime abord, on est dans du classique. Quatre petits albums au nom très enfantin, nommés par de simples onomatopées: « Areuh! », « Miam! », « Grrr! » et « Argh! », dans un joli petit coffret cubique orné de petits cœurs. C’est mignon tout plein, on imagine déjà ces albums dans les mains potelées des bébés de quelque mois.
A y regarder de plus près, la petite canine pointue qui sort de la bouche d’un genre de fantôme sur la tranche du livre « argh! » interpelle un peu. Alors bien sûr, on sort les livres, on les parcourt, et on va de surprises en émerveillement.
Chaque album à sa thématique, comme son titre l’indique. Si on veut commencer en douceur, on prend d’abord « Miam! » ou « Areuh!, l’un consacré au quotidien de l’enfant, l’autre à la nourriture.
« Areuh » semble avoir une construction très structuré. On part de la maison, puis le baiser entre les parents, suivent l’image de la mère enceinte, enfin le bébé, qu’on peut voir grandir jusqu’à fêter ses 3 ans à la fin de l’album, en passant par quelques étapes clef comme les premiers chagrins ou la propreté.
La force d’Emmanuelle Houdart c’est qu’elle nous raconte tout ça sans un mot, et que la majorité de l’histoire se raconte entre les pages, c’est l’ordre et la succession des images qui fait sens.
« Miam! » est le livre de la gourmandise. La couverture nous met l’eau à la bouche, avec son image de cup-cake rose bonbon. Mais là encore, la surprise est au rendez vous. Oignon, carotte et choux semblent former les traits d’un visage. Face à face improbable entre un ver et un verre dans le potager. Image ambiguë où l’on se demande si l’on a affaire à une bouteille de vin ou à du sirop de violette. Les enfants et les adultes ont souvent des interprétations différentes de ces images. Sur la dernière page, une bouche pointue, aux lèvres d’un rouge charnel, tend une langue malicieuse. « Maman » à dit ma fille cadette en pointant les lèvres rouges. « vampire » à dit mon aînée. Petite discussion entre l’une et l’autre: « c’est une dame? » « Elle est gentille tu crois? » « Elle veut manger les bonbons », « elle fait une grimace, elle veut jouer ». Je me suis bien abstenue de répondre à leurs questions, elles savent lire les images au moins aussi bien que moi, je partage toutes leurs interrogations.
« Argh! » est l’album consacré aux peurs. Les peurs symboliques, les peurs rationnelles et irrationnelles, les grandes peurs et les peurs dont on n’ose pas toujours parler. L’album débute et se clos par deux images très fortes: une tête de mort d’abord, qui évoque bien sûr la peur de la mort et ces de deux visages, homme et femme qui se tournent le dos et pleurent. Séparés par la charnière de la page, ils ont les yeux rougis et semblent se chercher du regard, sans oser tourner la tête. Cette image de dispute, de séparation peut être, peut sans doute raisonner très fortement chez certains enfants. (les miennes y ont été totalement indifférentes, les genoux écorchés de la page précédente les a bien plus marquées)
Enfin « Grrr! », le bestiaire insolite. La sirène y côtoie un étrange kangourou vert, un âne aux œufs d’or (si, si) et des scarabées. La merveilleux et le terrible, l’étrange et le quotidien, la douceur et la noirceur.
Les images de ces livres sont toutes issues du très bel album Dedans, actuellement indisponible. En isolant certaines images, en permettant donc à l’enfant de faire un focus dessus, en leur donnant l’écrin d’un coffret, Emmanuelle Houdart leur a donné une nouvelle vie.
Ces images sont très éloignées de l’iconographie qu’on réserve habituellement aux jeunes enfants. Elles ne disent pas tout, elles gardent une part de mystère. On est certes loin de l’imagier du père castor. Ce ne sont pas des images pensées pour que l’enfant apprenne. Mais il me semble qu’elles nourrissent la psyché des enfants, qu’elles leur offrent des éléments de réflexions, qu’elles les stimulent.
Proposer ces albums à des jeunes enfants, c’est faire confiance à leur intelligence, les considérer comme des lecteurs de l’image compétents.
La boite à images a été élu pépite au salon de Montreuil cette année.
Oumpapoose cherche la bagarre Françoise de Guilbert, Ronan Badel Editions T. Magnier 12,50€
isbn: 978-2-36474-226-0
Dans la pleine du far west, alors que les indiens dorment dans leur tipis, les petits poings d’Oumpapoose s’agitent. Il rêve de coups de poing et de coups de pied. Dès le lever, il se met en quête d’un adversaire à sa mesure. Mais ses frères partent chasser le bison, ours rugissant semble en hibernation et il ne sert à rien d’attaquer le fort, la cavalerie à déserté.
Il y a bien cette petite squaw qui semble disposée à en découdre mais non, non, non, pas question de se battre avec une fille!
Comme dans l’épisode précédent, l’humour naît du décalage entre le sérieux de la situation pour le personnage et l’indifférence générale à la quelle il se heurte. Alors que le texte se place du coté d’Oumpapoose, l’image le tourne sans cesse en dérision.
Un livre très drôle à partager avec des enfants qui se régaleront à décrypter l’image, dans une connivence avec l’auteur, et à rire de ce pauvre Oumpapoose.
On se prend à espérer que ces deux albums seront suivi de beaucoup d’autre, il y a bien des personnages secondaires qui seraient de parfaits héros décalés pour de prochaines histoires.
Edit: C’est désormais chose faite, avec l’album Les sœurs ramdam.
Billy le mômeFrançoise de Guilbert, Ronan Badel éditions Thierry Magnier
Dans un paysage du far west, Billy le môme traverse la page à toute vitesse. Il est pressé. Serpents, vautours, indiens sur le sentier de guerre, rien ne saurait arrêter sa chevauchée. Pas même ce petit indien furieux, qui semble impatient d’en découdre, Billy l’ignore totalement, il a mieux à faire. La bande de Cassidy fait du grabuge mais aujourd’hui, Billy laisse ça au shérif.
Mais où donc Billy le môme se rend-il ainsi?
L’iconographie et le vocabulaire typique des westerns associée à une mise en page proche du cadrage cinématographique contrastent avec l’image du héros. Le petit Billy à un chapeau qui lui tombe sur les
yeux et un air très enfantin. Ce contraste, qui dès le début prête à rire, va en s’accentuant jusqu’à la chute. Le soleil se couche sur la pleine, Billy, cow boy solitaire, s’éloigne au grand galop. Je vous laisse découvrir vous même vers quoi il court.
En toute fin d’album un petit épilogue fait un clin d’œil au livre suivant des même auteurs, « Oumpapoose cherche la bagarre », dont je parle ici et que vous pouvez aussi retrouver dans le tiroir à histoire.
Oh non, George! Chris Haughton, Thierry Magnier 14€
isbn: 9782364740501
C’est un bon chien, George. Quand son jeune maître le laisse seul, il promet de rester sage. C’est bien d’être sage. Il espère vraiment qu’il va être sage. Mais… Humm, le gâteau, il a l’air bon le gâteau, c’est dur de résister à la tentation quand on adooore le gâteau. Le regard interloqué, George hésite, principe de plaisir contre principe de réalité, c’est une dure lute qui semble se jouer dans sa caboche de cabot.
A chaque nouvelle tentation, le chien essaye vraiment de résister. Mais elles sont nombreuses et les bonnes résolutions sont vite oubliées. Oh non, George! Au retour de son maitre, il est plein de culpabilité. Que va-t-il faire maintenant?
Les enfants à qui j’ai lu cet album sont plein d’empathie pour ce pauvre chien qui fait tant de bêtises. Et les adultes séduit par l’humour (typiquement anglais) et le choix des couleurs (tout à fait atypique).
J’apprécie aussi la forme en randonnée, d’ailleurs les enfants l’apprennent par cœur en un rien de temps. Et la fin ouverte, qui laisse à chaque enfant le soin d’imaginer la suite. Et les avis divergent sur le sujet, selon que les enfants s’identifient ou au contraire se distancient du héros, ils donnent un avis très différent. Certains aussi me demandent quelle est la vraie réponse. Évidemment, je botte en touche, la vraie réponse, je ne la possède pas plus qu’eux, leur point de vue est aussi valable que le mien, mais au fond de moi, j’avoue, j’ai bien ma petite idée.
Pour vous faire une idée de l’auteur, vous pouvez visiter son site (pas besoin de lire l’anglais pour y trouver des trucs sympas) où vous trouverez une petite vidéo issue de l’album.
Edit: Cet album existe désormais également en version tout carton.
L’heure des parents C. Bruel N. Claveloux éditions être
isbn: 2844070124
Sur les marches de l’école, Camille sommeille, en attendant le retour de ses parents. mais qui sont-ils?
Entre rêve et réalité, nous faisons connaissance avec tous les parents possibles, aux professions improbables.
« Les parents de Camille s’appellent Louise et Grand fou. Ils vont à des réunions contre le dollar »
« Les parents de Camille s’appellent Nelson et Paul. Paul est menuisier, Nelson soigne des ordinateurs »
« les parents de Camille s’appellent Juliette et… C’est tout. Camille aussi sera toubib et trapéziste sur internet ».
Une galerie de portraits de famille qui déclinent des schémas classiques ou improbables. Toutes sortes de carrières ou de passes temps sont imaginés et les situations loufoques ne manquent pas, aux côtés des plus classiques.
Dans la dernière page, Camille se retrouve dans ce qui semble être sa famille réelle, dans le salon familial. Le petit lion (ou la petite lionne, le prénom mixte permet à chaque lecteur de faire son choix sur le sujet et le personnage n’est jamais genré dans le texte) est endormi dans la position exacte qu’il avait en début d’album. Autour de lui divers objets évoquent les pages précédentes. Ils ont probablement servi de support à l’imagination de l’enfant qui a inventé ces différentes familles.
Une vision étonnante et loufoque de la diversité, qui intrigue ou prête à rire.
L’heure des parents est un classique, d’abord paru aux éditions être en 1999 et enfin réédité par Thierry Magnier.
Un bébé, minuscule, s’interroge. Qu’est ce qu’il peut donc y avoir au-delà de lui? Le berceau? Et au-delà du berceau? La maman bien sûr (bon, j’avoue, j’aurais fait l’inverse, l’idée que la proximité avec le berceau soit plus grande que celle avec la mère ça me chagrine… Humm, dommage, c’est bien la seule chose que j’ai à reprocher à ce livre)
De la maman aux amis, de la maison au vaste monde, le champ de découverte du bébé grandit en même temps que lui. L’enfant devient une fillette, qui découvre qu’il y a elle… Et l’univers.
Tout doux, tout tendre, un livre parfait pour lire à des bébés, le rythme du texte s’y prête, la simplicité des illustrations aussi. Comme « c’est la petite bête » je pense que cet album va rapidement devenir un indispensable des sections bébé en crèche.