« C’était il y a longtemps, au temps où la foret était peuplée d’oiseaux cultivateurs. Désherber, biner, semer… En vérité ces oiseaux ne volaient pas »
Sur un décor à dominante de noir les oiseaux très colorés se détachent, attirent l’œil. Ils pêchent (avec un filet), cueillent des fruits (avec une échelle), fuient les chats sauvages… Jusqu’au jour où le vieux hibou à une révélation à faire, une chose importante qu’il avait pourtant oublié.
Pour qui aime les images japonaises, il faut absolument voir ce livre. Il est très beau.
C’est aussi une toute première approche des contes asiatiques pour les tout petits.
Et c’est aussi un livre édité par un éditeur militant, un petit éditeur, qui n’est pas très bien distribué en librairie (mais on peut commander ce livre chez un bon libraire avec l’isbn sans problème) et qui mérite d’être plus connu.
Je les adore ces petites mamies qui ont la pêche.
Sur la page de garde on voit leur portraits et ceux de leurs animaux de compagnie, on voit bien qu’elles sont pleines de vie.
Le livre les raconte, ces mamies, celles qu’on imagine peut être à tort assises sur un banc entrain de nourrir les oiseaux.
Qu’elles soient « plutôt raisonnables » ou volages, amoureuses ou endormies devant la télé, qu’elles sentent la rose ou le gâteau au chocolat, elles sont toujours montrées en mouvement, joyeuses, élégantes.
Elles se promènent comme une bande de copines, leurs animaux toujours de la fête avec elles.
Et si elles ne plongent plus dans la piscine en éclaboussant tout autour d’elles c’est pour mieux profiter d’une coupe de champagne sur le bord de l’eau en admirant… Un papi qui saute dans l’eau !
Ce livre est vraiment drôle, savoureux, les images racontent plusieurs histoires, on notera par exemple que l’oiseau est toujours hors de sa cage, que le chat convoite le poisson rouge, que Marguerite et son chien ont le même bonnet de bain !
Une belle image de la vieillesse, rafraîchissantes dans un monde qui a une fâcheuse tendance au jeunisme.
Le cauchemar de Gaëtan Quichon, Anaïs Vaugelade, école des loisirs 9,20 E
ISBN, 2211076807
Dans la famille Quichon, il y a papa Quichon, maman Quichon et leur 73 enfants.
Il n’y a pas encore 73 livres à la série et c’est dommage parce que tous ceux qui sont sortis sont chouettes.
Gaëtan Quichon, donc, est réveillé par un cauchemar, alors que tous les autres petits cochons dorment à poing fermé.
La chose grisâtre lui court après et Gaëtan n’arrive pas à lui échapper. (parce qu’un cauchemar, ça court beaucoup très vite, si vous ne le saviez pas).
Tant et si bien que ce pauvre petit Quichon finit par se faire avale!
Mais dans le ventre du monstre, Gaëtan n’a plus peur, il trouve même tout seul le chemin naturel vers la sortie.
Ma mouflette à encore « un peu peur » de ce livre, quand je lui propose elle me répond qu’elle préférerait que je lui lise « l’animal domestique d’Hernest Quichon », parce que quand même, les chenilles font moins peur que les cauchemars. Certes.
Mais j’ai aussi connu des enfants très sujets aux cauchemars qui adoraient qu’on leur raconte cette histoire où le petit héros s’en sort grâce à sa facétie et retourne se coucher tranquillement et sereinement.
Je pense que les enfants sont sensibles à ce petit éros qui se montre maitre de son destin en se sauvant lui-même. Et, quand on a apprivoisé le livre, le cauchemar peut même paraitre complètement ridicule aux yeux des bambins.
Ma zonmé Vincent Malone, Soledad Bravi, seuil jeunesse 9 €
ISBN, 2020663821
Ma reum, mon reup, wam, mon iench… Si vous avez la trentaine (ou un peu plus…) vous comprenez tout de suite de quoi il s’agit.
Mais figurez-vous que le verlan est complètement passé de mode et que les enfants et ados à qui j’ai lu ce livre m’ont regardé avec des yeux ronds!
Tout le talent de Vincent Malone (oui, c’est bien le même, le roi des papas) et de Soledad Bravi a été de représenter les choses à l’envers, comme les mots. La couverture montre la maison posée sur son toit, dedans la mère et le père font le poirier, le chien a les pattes en l’air…
Il y a des petites surprises pleines d’humour dans les images, et bien sûr une chute, simple mais inattendue. (c’est souvent ce qui manque, la chute, dans les imagiers). Ici, elle remet les choses dans le bon ordre, tout simplement.
Il plaît beaucoup aux enfants de 4/5 ans, qui comprennent assez vite le principe. Quand on lit ils remettent le mot à l’endroit spontanément, ils s’amusent aussi à en mettre d’autres à l’envers.
Avec des adolescents j’ai eu de bons fous rires en le lisant aussi.
Bon, j’avoue, je me suis pris un coup de vieux quand ils m’ont expliqué qu’ils n’avaient jamais entendu parler du verlan (même si en creusant un peu ils utilisent encore certains mots, mais ma zonmé n’en fait pas partie) mais ils ont pris plaisir à jouer le jeu avec moi, on s’est bien amusés.
Sur la page de droite, un dessin, pastel, résume l’action. En face, le texte. 4 lignes, une forme poétique (Elzbieta s’est inspirée d’une comptine anglaise) raconte. « qui a renversé le petit lapin hopla? » « qui l’a conduit à l’hôpital? » « qui l’a vu mourir? » le jeu de question/réponse forme un rythme, le rythme de la vie, dans cette histoire sur la mort.
Tous les rituels qui entourent habituellement le deuil sont montrés, avec pour personnages la communauté des animaux.
Ce livre là, j’ai eu du mal à me décider à faire un billet dessus. Ce n’est pas facile de bien en parler, j’ai du mal à dire avec des mots à quel point il est important. D’habitude, quand j’ai envie de le défendre, je le lis et ça suffit.
Là je ne peux pas vous le lire, je suis contrainte de vous le décrire mais je sais déjà qu’il n’y aura pas dans mes mots toute la beauté, toute la douceur,et même la sérénité trouve dans cet album.
Le livre raconte l’accident, le décès puis l’enterrement du petit lapin. Autour de lui, tous les animaux s’affairent, qui l’habille, qui l’enterre, qui le pleure.
Souvent les adultes sont déstabilisés, L’auteur n’y va pas par 4 chemins, les mots sont justes, ils ne mentent pas.
Mais la forme même de ce récit est rassurant pour les enfants.
Je ne le lis pas très souvent. Les enfants le choisissent rarement et puis j’avoue que je ne l’ai pas toujours dans mon fonds d’albums. Mais quand ils le choisissent ils sont touchés, certes, mais pas ébranlés comme on pourrait le croire, au contraire, ils ressortent de cette lecture plus forts face à la mort, mieux armés.
A manipuler avec précautions cependant, il est très émouvant et on se retrouve rapidement submergés par nos émotions quand on le lit à haute voix.
Les livres sur la mort me sont très souvent demandés, celui-là est de qualité mais je ne pense pas qu’il soit approprié de le proposer à un enfant qui est déjà fragilisé par un décès récent. Je préfère le laisser à disposition des enfants qui n’ont pas encore été confrontés à la mort, ils sauront le retrouver dans leur mémoire le moment venu si c’est opportun.
600 pastilles noires, David A. Carter, Gallimard 17 €
ISBN 9782070614646
Je suis rarement séduite à ce point par un livre pop-up. Trop souvent les formes en relief n’apportent pas grand-chose à l’histoire, si ce n’est une plus valus commerciale un peu gadget.
Mais David Carter est un véritable maitre du genre et cet album est exceptionnel par la qualité des images et des formes qui jaillissent du livre.
On a l’impression de voir un mobile de Miro, chaque page réserve une surprise, les adultes comme les plus petits sont captivés.
La première fois que je l’ai montré à ma mouflette elle a été très impressionnée, elle n’osait pas le toucher.
Chacun voit ce qu’il veut dans ces formes et ces couleurs, le texte propose une lecture possible mais n’impose rien, l’imaginaire du lecteur est complètement respecté.
Et si vous vous demandez s’il y a « vraiment » 600 pastilles noires dedans, faites-moi confiance, elles sont bien toutes là, un enfant me les a fait compter!
Un livre qu’il ne faut pas hésiter à proposer à des bébés, ils le regardent avec intensité. Et il saura aussi plaire aux plus grands, on retrouve d’ailleurs tous notre âme d’enfant avec ce livre.
Le texte poétique qui l’accompagne se prête aussi à une lecture pour tout les âges.
Le seul bémol c’est pour les enfants qui attrapent déjà mais ne maîtrisent pas encore bien leurs mouvements, avec ceux là il faut être très présent quand ils regardent ce livre parce qu’ils ont tôt fait d’attraper les formes qui sont quand même fragiles.
Bonne nuit Monsieur Nuit Dan Yaccarino, circonflexe,11.50 €ou version brochée petit format 5.20 € mijade
ISBN. : 2-87833-208-3.
Quand le soleil se couche, lentement, derrière la colline, Monsieur nuit se réveille.
L’image nous montre une forme noire étoilée, rassurante et enveloppante qui se déploie petit à petit. Il calme la mer, apaise les animaux. Il ferme les yeux des enfants.
Je trouve ce livre très doux, pourtant les couleurs sont vives, elles contrastent avec le texte poétique et chantant qui est tout à fait propice pour accompagner l’enfant vers le sommeil.
C’est rare les livres qui sont adaptés aux bébés, sont de vrais histoires et plaisent encore aux enfants de trois ans. Bonne nuit monsieur nuit, par son rythme poétique et son histoire onirique est un album accessible aux bébés. Les adultes n’hésitent pas à le lire dès le plus jeune âge car on devine qu’il n’est pas nécessaire d’en comprendre le sens pour se laisser bercer par l’histoire.
Monsieur nuit peut faire office de figure parentale, enveloppante, attachante, rassurante. Avec un petit brin de mystère qui n’est pas désagréable.
Vous en avez marre d’entendre votre deuzan vous dire sans arrêt « non »? Offrez lui ce livre, il aura un nouveau mot préféré!
Noam apprend à parler, il ne dit pas encore beaucoup de mot mais son mot préféré c’est « pas! » et bien sûr il le sert à toutes les sauces.
J’ai offert ce livre il y a longtemps à mon neveu, quand il disait beaucoup « non ». Après ça il disait « non pas! non pas! », on peut dire que c’est une amélioration certaine, non?
En tout cas ce livre est vraiment sympa, le petit bonhomme est dessiné sur des photos, il est parfois tout petit, caché derrière le rouge à lèvre quand il dit à sa grand-mère « pas bisou » ou plus grand, notamment à la dernière page, qui réserve au lecteur une surprise amusante.
Le mélange dessin/photo fonctionne très bien et le personnage est expressif.
Le texte dialogué, très court, jamais bavard, convient parfaitement aux bambins les plus jeunes, ceux entre autre qui sont en pleine phase d’opposition.
Le singe à Buffon, Gilles Bachelet, Seuil jeunesse 15 € isbn: 2020537915
A mon avis, quand Buffon, le célèbre naturaliste, à reçu un singe en cadeau, il ne se doutait pas de ce qui l’attendait. Élever ce singe là ce serait comme devoir élever l’enfant le plus mal élevé, le plus provocateur qui soit. Sans compter qu’un singe c’est fort, assez fort pour mettre une raclée à son maître…
On s’amuse déjà des images complètement décalées, des anachronismes qu’on y repère, on s’amuse encore plus du contraste entre ces illustrations et le texte. C’est d’ailleurs une spécialité de l’auteur, que l’on retrouve dans sa série d’albums autour de son chat.
Si le singe à Buffon fait pipi dans sa culotte c’est précisément au moment où il ne porte pas la dite culotte. S’il est mauvais joueur ce n’est pas qu’il se contente de bouder quand il perd. Et quand il sort de table sans la permission c’est en sautant accroché au lustre et en volant au passage un morceau de gâteau
.
Gilles Bachelet joue sur le contraste entre des dessins très précis et ancrés dans l’époque et une histoire loufoque résolument moderne.
Le très guindé Buffon aux prises avec un singe parfaitement ingérable (mais terriblement attachant) sucitera l’amusement des adultes autant que des enfants. Et c’est une chance, parce-que les enfants vont vouloir qu’on leur lise en boucle!
Koulkoul et Molokoloch, A.C De Boel, pastel, 13.50 € et lutin poche 5.50 € isbn: 9782211078665
Koulkoul et Molokoloch sont deux paresseux, suspendus à la même branche d’arbre. Ils décident de faire un bout de chemin ensemble et, une fois cette décision prise il est urgent de se reposer. Alors qu’ils dorment profondément un python avale Koulkoul.
L’histoire se construit alors en randonnée, le serpent va à son tour être mangé par le crocodile, puis arrive le jaguar d’eau.
Les images sont belles et drôles. La fin est heureuse. L’histoire semble faire l’apologie de la paraisse, c’est déjà une bonne raison d’aimer ce livre. C’est une adaptation très réussie d’un conte africain.
Ma mouflette aime bien que je le lui raconte mais j’ai l’impression qu’elle ne comprend pas vraiment l’histoire et en tout cas n’en comprend pas l’humour.
Je le conseillerais donc plutôt à partir de 4 ans. Même si ce n’est pas un problème en soi de ne pas comprendre l’histoire, ce qui serait un problème ce serait qu’elle n’ait pas de plaisir à l’écouter (après tout, moi j’écoute des chansons en anglais alors que je ne parle pas l’anglais, je ne vois pas en quoi cela gêne le plaisir)