Rien que pour toi, Charlotte Zolotow, Uri Sulevitz, Didier jeunesse, cligne-cligne 13€10
Un album sous la forme d’un monologue. Celui qu’un petit garçon adresse à sa grande sœur. Au premier regard, on n’est pas dans le schéma habituel de la rivalité dans la fratrie. On a plutôt l’impression de voir l’amour éperdu du cadet qui admire son aînée. Il fait un inventaire à la Prévert de ce qu’il fera pour elle, plus tard.
Et ça ne sera pas rien. Il se surpassera, il va gravir des montagnes, plonger au fond des océans les plus profonds, construire les châteaux les plus beaux.
Les illustrations à l’aquarelle d’Uri Sulevitz donnent une grande douceur à la déclaration d’amour.
Pourtant, quand on le voit debout sur sa chaise à discourir face à sa sœur, devenue ainsi plus petite que lui, on se demande quand même si il n’est pas un peu en train de se mesurer à elle. S’il n’est pas en train de chercher sa place de petit frère
Parmi les nombreux exploits qu’il se propose de faire pour plaire à sa grande sœur, il y a les devoirs d’arithmétique. Je ne sais pas pourquoi, cette page m’a d’abord un peu chiffonnée. On sort de la poésie et de la féerie des autres pages. C’est beaucoup plus terre à terre. Et puis j’ai mis le doigt sur ce qui me faisait tiquer là dedans quand j’ai lu le livre à un enfant de 7 ans, accompagné de son petit frère. Il s’est écrié “N’importe quoi, il pourra jamais faire les devoirs de sa sœur, il est même pas encore au CP!”. Et, d’un seul coup, tout était clair pour moi. L’enfant du livre ne veut pas seulement dire son amour à sa sœur, il veut la surpasser. Pourquoi? Parce que c’est la clef de l’émancipation bien sûr, comme semble le confirmer la chute.
J’ai eu l’occasion de lire cet album à plusieurs enfants dans le cadre de mon travail, j’ai aussi pu le présenter à de nombreux adultes. Ce que je trouve intéressant, c’est que la lecture que j’en fais n’est généralement pas partagée, en tout cas pas au premier abord. Certains y voient une déclaration d’amour à peine nuancée par la chute. On peut aussi se centrer sur l’imaginaire sans limite des enfants. Souvent les enfants y voient une démonstration de force. Souvent aussi l’avis évolue ou s’affine au cours des lectures.
A voir aussi l’avis de Pépita et le diaporama sur le site de la collection cligne cligne.