Amitiés, Charlotte Zolotow, Benjamin Chaud, Little urban, 2021, 14€50
Charlotte Zolotow, disparue en 2013, a laissé derrière elle de nombreux textes destinés à la jeunesse, et il semble que l’édition française les découvre petit à petit, pour notre plus grand plaisir. (voir par exemple l’album “Rien que pour toi”)
Ainsi Benjamin Chaud peut s’approprier ce texte daté de 68 et lui offrir des images contemporaines.
J’ai cherché une première édition en anglais et j’ai trouvé une version de 1981, sous le titre”The new friend”, illustrée par Emily Arnold McCully. Ce serait intéressant de comparer les deux versions, tant en littérature enfantine l’image raconte aussi, elle donne une couleur au récit.
Dans la version actuelle, le texte ne semble en rien désuet, tant le thème qui le traverse est universel.
L’histoire est racontée à la première personne et… Au passé. On comprend donc dès les premières lignes que l’amitié dont il est question est éphémère. Le narrateur, un petit garçon, s’attarde longuement sur son amitié avec une fillette du même âge. Ensemble ils jouent, dehors ou dedans, semblant bénéficier d’une grande liberté, aucun adulte à l’horizon. Ils profitent de la nature et s’inventent des histoires, leur complicité est palpable.
Jusqu’au jour où, ne la trouvant pas chez elle, il finit par la voir en compagnie d’un autre enfant, avec lequel elle reproduit leurs jeux.
Le coup est rude pour le jeune narrateur qui en est très affecté.
Mais c’est en lui même qu’il trouve les ressources pour surmonter ce chagrin véritable.
C’est peut-être là que se joue la différence avec un texte qui aurait été écrit aujourd’hui.
De nos jours dans les albums les parents sont généralement présents, attentifs, toujours très aimants et plein de bons conseils.
Ici, c’est seul que l’enfant est capable de se montrer fort. Il n’y a pas de dénouement heureux comme une nouvelle rencontre ou un personnage extérieur qui viendrait compenser la perte de l’amie.
Il y a juste un enfant qui, seul, se sait capable de s’en remettre et d’aborder l’avenir avec une belle confiance. Il est triste mais sans rancœur et il va de l’avant.
Je trouve cette histoire très rassurante, même si elle peut sembler dure. Elle montre un enfant acteur de sa propre vie, capable de réfléchir à la situation qu’il vit.
Il n’y a aucun jugement sur l’attitude de la fillette, après tout, avec un nouvel ami, ça arrive, pourquoi cela ferait-il d’elle une méchante? Le nouvel arrivé n’est pas non plus désigné comme un rival, d’ailleurs on ne sait rien de lui (et pour renforcer ce fait l’illustration ne montre jamais son visage).
On comprend à travers cet album que les amitiés sont multiples (d’où le pluriel dans le titre), ainsi va la vie, le petit narrateur en fera l’expérience aussi, plus tard, probablement.