La maison pleine de trucs, Emily Rand, éditions des éléphants, 14€, 2020
Il a un regard très attachant, Monsieur Leduc, mais dès la première image on reconnait en lui ce qu’on pourrait appeler un marginal. Barbe hirsute, boutons dépareillés, et manches rapiécées. Sa posture évoque celle des mendiants, mais à ses pieds, ce ne sont pas quelques piécettes qui gisent mais un amas d’objets de pacotille.
Trombones tordus, lacets de rechange, salière sans sa poivrière, sifflet, bout d’élastique, tous ces menus objets glanés au fil du temps forment son trésor. C’est que Monsieur Leduc aime les trucs. Les petits comme les plus gros, les improbables et les plus communs. Il est persuadé qu’un jour, chacun d’eux pourra être utile.
Ce qui n’est pas tellement au gout de ses voisins. Dans la rue proprette où il habite, il s’attire des regards en coin, auxquels il semble être indifférent.
Seul le petit Mo a de la sympathie pour le bonhomme. Curieux de tout, il aime bien écouter Monsieur Leduc lui expliquer à quoi pourraient servir ces objets. Quand son vélo tombe en miette, suite à une mauvaise chute, Monsieur Leduc trouve dans son fatras de quoi le réparer et même l’améliorer.
Petit à petit, le vieux monsieur va devenir l’as du bricolage, le roi de la réparation de fortune, le pro du recyclage. Si la face du monde n’en est pas changée, au moins celle de la rue est plus agréable. Les voisins se parlent, leurs maisons, jusqu’alors toutes identiques, deviennent joyeuses et animées.
Chez Monsieur Leduc, chacun se presse pour déposer objet cassés ou pièces de rechange, une foule hétéroclite qui semble trouver là l’occasion de sympathiser.
Marie Kondo n’a qu’à bien se tenir, la maison pleine de trucs c’est le triomphe de l’accumulation sur le dépouillement, du bazar sur l’ordre, du foisonnement sur la sobriété.
Mine de rien le petit message écolo passe en douceur, tout comme celui de la tolérance à l’autre et de l’importance de la rencontre et du lien social.