Cinq minutes et des sablés Stéphane Servant, Irène Bonacina, Didier jeunesse

Pour la petite vieille, l’expression s’ennuyer à mourir prend tout son sens. Dans le silence de sa cuisine, troublée seulement par le tic-tac de la pendule, elle attend. Et, comme elle pense que la vie n’a plus rien à lui offrir, elle attend la mort.

La grande dame noire justement passe par là dans sa belle voiture rouge. Elle arrive dans la cuisine presque comme on rend un service. La petite vieille sait recevoir. Elle a préparé un bon thé de Chine. Et pour aller avec, pourquoi pas des sablés au gingembres? Après tout, « Cinq minutes de plus ou cinq minutes de moins, quelle importance? »

Cette petite phrase, mise en valeur par la typographie, sera la ritournelle qui va rythmer l’album.

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les albums en randonnée, rythmés, ceux qui ont un refrain ont pour point commun d’être faciles à mémoriser pour les enfants mais aussi d’être très rassurants. Ils permettent d’anticiper sur le récit donc de le maîtriser. C’est ainsi que les auteurs peuvent aborder des sujets angoissants pour les enfants tout en leur offrants les moyens de surmonter cette angoisse (citons par exemple l’excellent Bébés chouettes)

Ici, la ritournelle participe au tourbillon de vie qui va investir la cuisine de la petite vieille. A voir madame la mort et la petite vieille attablées, occupées à déguster les sablés, on pense à l’expression « bon vivant ». Voilà.
L’odeur des sablés attire le chat des voisins. La petite vieille va prendre cinq minutes de plus pour le faire jouer avec une pelote de laine. Puis c’est au tour de Kenza, la fillette qui habite à coté, de faire irruption dans la cuisine. Pour elle, on dessine une marelle (Oui, ce jeu où on fait des allers retours entre ciel et terre, à mon avis ce n’est pas un hasard). Vient ensuite le très élégant Monsieur Igor avec son violon.

En faisant de madame la mort un personnage principal de cet album, Stéphane Servant nous offre un livre sur la vie.

Les jeux, les rires, la relation aux autres et la bonne chère en sont ici le sel. La vieille en oublie son âge, la mort la raison de sa venue.

De cinq minutes en cinq minutes,  quand minuit finit par sonner, madame la mort, qu’on fréquente depuis le début de l’album, fait figure d’amie plus que de menace. Accomplira-t-elle sa besogne? Si sur certaines pages son ombre peut sembler légèrement inquiétante, son sourire et son regard  malicieux compensent cette impression.

D’ailleurs, les illustrations d’Irène Bonacina sont pleines de gaieté et de mouvement. Et la recette des sablés qui est donnée sur la troisième de couverture nous ramène définitivement aux plaisirs de la vie.

Comme il est agréable de voir le thème de la mort traité avec légèreté et humour.

Un album apprécié aussi par Pépita.