Article paru dans la revue Le furet petite enfance, écrit avec ma collègue Céline Touchard, paru en juin 2019.
Du féminisme et de la légèreté avec Agnès Rosenstiehl
Les éditions militantes de La ville brûle ont récemment réédité 2 titres iconiques de la créatrice de Mimi Cracra, Agnès Rosenstiehl : Les filles et La naissance.
Parus initialement dans les années 70, par les non moins militantes éditions Des femmes, les deux albums ont connu un succès auprès de plusieurs générations d’enfants. Les éditions Autrement ont d’ailleurs réédité La naissance au cours des années 2000.
Si ces livres nous intéressent aujourd’hui, c’est pour leur thématique principale : qu’est-ce qu’être une fille ? Et un garçon ? Car le premier pas vers l’égalité (des droits, des chances, des sexes…) est bien évidement la meilleure connaissance de soi et des autres.
Nous trouvons dans ces albums la même petite fille, fantasque et pleine de ressources, qui questionne son environnement avec autant de légèreté que de pertinence. Dans Les filles, elle interpelle un garçon et, après avoir comparé leurs différences biologiques, part dans un monologue hilarant dans lequel elle projette tout ce qu’elle fera quand elle sera grande : Architecte, mère et chef d’orchestre le soir. Elle envisage avec gaîté son avenir de fillette, puis de femme libre de ses choix et consciente de ses désirs. Certaines situations jouent de l’antonymie entre émancipation et domesticité du féminin. Cela peut donner lieu, avec les enfants, à de grandes discussions et de grosses rigolades !
Dans La naissance, un petit garçon annonce à sa copine qu’il va bientôt être grand frère. Les deux enfants discutent tour à tour ensemble, puis avec leurs parents respectifs, des « choses de la vie ». Il est question de sexualité, mais aussi d’amour, de complicité, de frivolité. La fraicheur et la simplicité du dessin se retrouvent dans le texte, entièrement dialogué, dans le quel les enfants obtiennent des réponses à la fois justes et adaptées à leur âge. La nudité y est montrée naturellement, sereinement.
Agnès Rosenstiehl montre dans ces deux albums des personnages complémentaires, différents mais surtout égaux. Chacun peut exprimer ses désirs et entendre ceux de l’autre, chacun est libre de bâtir son avenir, son éventuelle parentalité future.
Si la notion d’égalité entre le garçon et la fille, comme entre le père et la mère, n’y est pas explicitée, elle est prégnante et se ressent grâce à l’équité de l’espace qu’ils prennent l’un et l’autre dans les albums, par la symétrie de leur relation, l’équilibre entre leurs paroles.
A noter également, la sortie en simultanée de l’excellent De la coiffure, où la fillette se pare de coiffes imaginaires extravagantes pour se consoler d’une coupe de cheveux un peu décevante. Le sujet, moins futile qu’il n’y parait, est encore le point de départ d’une célébration gourmande de la créativité enfantine. Un bonheur à lire et à regarder, ensemble évidemment.
Chloé Séguret et Céline Touchard
Lectrices-formatrices pour L.I.R.E (le Livre pour l’Insertion et le Refus de l’Exclusion).
Les filles, La naissance, De la coiffure, Agnès Rosenstiehl, Les éditions de La ville brule.