Milo s’imagine le monde, Matt de la Pena, Christian Robinson, éditions d’eux, 2024, 20€
Quand Milo et sa grande sœur empruntent le métro pour leur trajet hebdomadaire, le petit garçon est tendu. Le trajet est fastidieux et les émotions qui traversent l’enfant le rendent fébrile. Excitation, inquiétude, embarras et amour nous dit-on. Voilà de quoi susciter notre curiosité, mais où peuvent-ils bien se rendre?

Pour mieux supporter le trajet, Milo s’imagine le monde, en observant les autres passagers.
Dans son carnet de croquis il dessine une vie pour chacun. Ce petit garçon endimanché, il le voit en petit roi dans un château fort. Pour la dame en robe blanche il imagine une somptueuse cérémonie de mariage.
Tout en poursuivant son jeu, Milo se demande ce que les autres pensent de son visage. Que peuvent-ils saisir de lui, le temps d’un trajet en métro?
Cette question de l’image que l’on renvoie, de ce que l’on est vraiment, il se la pose encore alors qu’il est arrivé à destination et qu’à sa grande surprise le petit garçon endimanché va au même endroit que lui.
Il réalise que pour chaque visage croisé il aurait pu imaginer une vie totalement différente.

Mais les voilà arrivés, sa grande sœur a enfin lâché le portable qui semblait greffé à sa main pendant tout le trajet. Ils passent les portiques de sécurité à la suite de l’enfant en costume, et retrouvent chacun leur mère.
Elles portent des tenues orange, identiques, et serrent leurs enfants contre elles.
Je suis vraiment impressionnée par la finesse dont font preuve ces auteurs, Christian Robinson et Matt de la Pena .
Sans jamais être excessivement démonstratifs, sans faire de leçon, au fil des albums ils parlent du monde, de ses inégalités sociales, de l’universalité de certains sentiments, de la place de chacun. On pense inévitablement à un autre album qu’ils ont créé ensemble, dans lequel un enfant et sa grand-mère font un trajet en bus pour se rendre à la soupe populaire, où ils sont bénévoles.
L’un comme l’autre, livre après livre, s’attachent à montrer ceux qu’on ne voit pas, à valoriser ceux qui sont habituellement dénigrés. Et ils le font avec humour, poésie, tendresse, toujours à hauteur d’enfant. Leurs livres sont à la fois nécessaires et divertissants.