Ulysse, Alexandra Pichard, les fourmis rouges, 2023, 16€50

Les bonhommes de neige savent-ils qu’ils sont voués à fondre très rapidement?

Ulysse, le protagoniste de cet album, en est d’autant plus conscient que l’enfant qui l’a fabriqué a légèrement manqué de tact en lui affirmant que la neige ne tient pas dans les grandes villes.

Pourtant, il est optimiste. Il pense que l’enfant va revenir et l’amener faire un tour dans la ville.

Bon.

Là, l’enfant s’est éloigné.

Et la nuit tombe.

Mais quand il reviendra, demain sûrement, ils pourront aller au café. L’enfant prendra un chocolat chaud, parce que c’est ce que font les enfants. Puis il devra aller à l’école. Et Ulysse continuera sa promenade.

Alors qu’il est parfaitement immobile, comme le sont les bonhommes de neige, Ulysse se projette dans une vie possible, une vie vouée à être courte mais tout de même intense, au rythme de la ville (les connaisseurs y reconnaîtront Strasbourg).

L’image le montre vivant des aventures, alors que le texte nous rappelle qu’il est toujours abandonné sur son trottoir. Sa vie fantasmée inclue une histoire d’amour également brève et douce.

Il fond d’amour dans sa rêverie comme il fond sur son coin de rue, et finalement il se sent… Bien.

J’avais déjà repéré dans un précédent album de cette autrice un tropisme pour les histoires décalées, un brin absurdes, portées par des images aux couleurs franches, façon pochoir ou tampon.

Notre bonhomme de neige y apparaît donc le plus souvent en creux, sa forme blanche prenant sens par les deux yeux et la carotte qui lui sert de nez. Il est forcément figé, avec ses branches mortes pour bras, et aucune autre articulation que son cou. D’où un savoureux décalage lorsqu’il nous affirme avoir le sens du rythme!

Quand l’histoire ne se passe pas tout à fait telle qu’il nous la raconte, l’image nous le montre tandis que ne parvient pas à (se) nous le cacher. Alors il dit juste:

Bon.

Voilà. C’est une petite histoire de vie. Ni vraiment triste ni vraiment gaie, qui ne se termine ni vraiment bien ni vraiment mal. Une petite histoire qu’on a plaisir à lire et relire, et c’est là l’essentiel.