Un pommier dans le ventre. Simon Boulerice, Gérard Dubois, Grasset jeunesse

Quand j’ai lu cet album pour la première fois, je suis retombée en enfance. Pas à cause des garçons en culottes courtes ou des images so vintages qui évoquent les bons points et autres images de prix d’excellence. Non, tout cela n’évoque pas mon enfance mais plutôt celles de mes parents.

Non, ce qui m’a ainsi transporté dans ma prime jeunesse, ce sont les différents sentiments que le jeune  héros de cet album, Raphaël, éprouve. Il passe de l’insouciance à la terreur réelle, elle qui est intériorisée et qui paralyse au point qu’on n’ose pas l’aborder avec les adultes. Ce genre de peurs enfantines qu’on garde pour soi et dont on n’arrive pas à se débarrasser justement parce qu’on les tait.

Le héros, donc, est en proie aux plus grandes angoisses parce que son ami lui a dit qu’en mangeant les pommes avec les pépins il risquait d’avoir un pommier qui pousse dans son ventre. Une peur irrationnelle et totalement enfantine s’empare alors de lui. Il n’ose ouvrir la bouche, de peur de faire entrer le soleil dans son ventre ce qui, chacun le sait, favorise la croissance des pommiers. Le voilà donc isolé avec son inquiétude, de cette sorte d’inquiétude qui donne aux enfants des crampes d’estomac.

Le fantasme se nourrit de ses idées noires, il est convaincu de voir des bosses sur son ventre, entend un son d’arbre creux quand il frappe sa poitrine et imagine ses cheveux se transformer en brindilles.

Dans une image qui n’est pas sans rappeler celles de Pierre l’ébouriffé, il se voit déjà affublé de branches pour mains, d’écorce pour peau. L’enfance, disais-je, avec tout ce qu’elle a d’excessif. Il suffira de quelques mots de sa mères et surtout de cette capacité incroyable qu’ont les enfants à passer à autre chose (le temps doit se dérouler autrement quand on a 6 ans, je ne vois que ça comme explication) pour que la situation soit dénouée… Au moins pour quelque temps.

Je travaille avec cet album depuis quelques semaines seulement et je constate que les enfants le choisissent rarement spontanément. Heureusement, les parents, eux, ont tout de suite l’œil attiré par la beauté de l’objet (les images, bien sûr, mais aussi le papier épais, la mise en page soignée, la typographie travaillée) et quand ils le partagent avec leurs enfants tout le monde en est ravit.

Apprécié aussi chez la collectionneuse de papillons, méli-melo de livres et dans le flacon.