Ligne 135 Germano Zullo, Albertine, La joie de lire 18€
isbn: 9782889081240
Il y a deux endroits bien différents dans le monde. La ville, et la campagne. Ils sont tellement différents qu’ils sont probablement chacun à un bout du monde. Mais la fillette de cette histoire connaît bien ces deux endroits, puisque sa mère vit en ville et sa grand mère à la campagne. Pour aller de l’un à l’autre, il faut faire un voyage.
Le voyage se déroule dans un autorail vert et orange. Il traverse la page sur une simple ligne noire, comme un fil d’Ariane, reliant toujours la fillette à la mère qu’elle vient de quitter et à la grand mère qu’elle va rejoindre. Seule dans son train, la fillette partage avec nous ses pensées. Du paysage urbain, froid et déshumanisé au paysage rural, plus chaleureux mais surréaliste et étonnant.
De la mère à la grand mère… Il n’y a qu’un chemin, une ligne à suivre, à l’horizontalité parfaite. Mais plus tard, quand elle sera grande, la fillette ira partout, hors du chemin tout tracé par sa lignée. Ici, là, elle visitera le monde. Même si sa mère et sa grand mère prétendent que c’est impossible, qu’on ne peut pas contenir l’entier du monde. Elles ont du oublier. La fillette, elle, est encore à l’âge de tous les possibles. D’ailleurs, en grandissant, elle saura retenir le temps, pour qu’il ne défile pas trop vite.
Ce très bel album est soigné dans toute sa réalisation. Le format à l’italienne, très long, comme un train, comme un chemin, comme le fil de la pensée. L’exploitation de la couleur, qui, dans l’illustration n’est utilisée que pour le monorail mais qui est très présente par des pages de garde au jaune éclatant et par la tranche du papier, du même jaune, lumineux. La ligne des rails, comme un trait d’union entre les deux générations, qui est préfiguré sur la page de titre, puis devient le chemin par le quel la fillette arrive à la gare, tirant sa mère par la main. Il est encore là, à la fin du livre, alors que l’enfant chemine avec sa grand mère, souriante mais tendant le bras vers la gare, vers sa mère restée au loin. D’un lieu à l’autre, d’une génération à l’autre, elle fait le lien. Elle est le lien. D’ailleurs, elle voyage dans le wagon central, d’un train qui en comporte 3.
Je pense que Ligne 135 est de ces albums qui s’apprivoisent, que les enfants ne découvrent réellement qu’au fil des lectures, un livre qui les fait grandir, un livre qui grandit avec eux. Un livre au quel on repense le soir, en s’endormant.