Puisque c’est comme ça, je pars! Yvan Pommaux, l’école des loisirs, 14€80

On voit tout de suite qu’elle a l’imagination fertile la petite Nora. Avec Jojo, son doudou, elle invente des aventures dans le bac-à-sable. Mais sa mère l’interrompt: il est temps de rentrer. Norma fait l’effort de sortir de son jeu quand le téléphone maternel coasse. Désormais, maman est loin, très loin, perdue dans le fil de sa conversation. Elle ne se rend même pas compte du départ de sa fille.

La fillette rencontre son copain Félix et ensemble ils partent à l’aventure dans le parc qui peu à peu se transforme sous leurs yeux en jungle sauvage. Le petit bateau de bois qui flottait dans la fontaine devient réel, les statues s’animent et les plantes jettent un œil sur nos deux héros.

Ils deviennent alors des explorateurs, plongés dans un monde étrange et parfois inquiétant. Poursuivis par une lionne ou faisant naufrage dans le lac, Norma et Félix vont devoir affronter des situations périlleuses. Au point que la fillette va égarer son doudou, Jojo, son tout premier partenaire de jeu.

En nous faisant allègrement traverser la frontière entre réel et imaginaire à plusieurs reprises, Yvan Pommaux  montre à quel point cette ligne est perméable. On peut quitter la réalité parce-qu’on est accaparé par une conversation téléphonique ou par un jeu, on peut la fuir ou chercher à la retrouver. Parfois, elle fait une intrusion dans le jeu, quand par exemple les ouvriers qui repeignent la grille du parc apparaissent dans la jungle (mais ils sont bien vite associés au fantasme des enfants). A l’inverse, la fantaisie s’invite aussi en dehors des moments de jeu. Quand par exemple, le téléphone crache des grenouilles au lieu de sonner.

Les images sont tellement belles qu’on se perd dans leur contemplation, au point parfois d’oublier de les interpréter. C’est au fil des lectures qu’on repère de plus en plus de détails qui font sens. L’auteur joue avec les codes de l’album et de la bande dessinée à la fois. On peut passer d’une image qui se déploie sur la double page, à fond perdu, très immersive, à une succession de petites vignettes quand l’histoire s’accélère brutalement.

La thématique, un peu trop moralisatrice à mon goût, de l’intrusion des portables dans la vie quotidienne (qu’on retrouve dans « Loupé« ), est à mes yeux secondaire. Ce que je retiens de cet album c’est surtout le parallèle entre Norma et sa mère, l’une délaissant son doudou l’autre sa fille. Et puisque Félix et sa mère vivent la même chose, il y a une certaine normalisation de cet abandon. Nul n’est infaillible et les promesses faites en fin d’album (Norma qui assure que plus jamais elle ne maltraitera son doudou et sa mère qui garantit que le téléphone c’est fini) sont probablement vouées à ne pas être tenues. Ce qui n’ôte rien à leur sincérité sur le moment.

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