Zette et Zotte à l’uzine, Elsa Valentin, Fabienne Cinquin, l’atelier du poisson soluble, 2018, 16€
Elles sont sœurs et travaillent dans la même usine de confection de vêtements de luxe. Mais quand elles envisagent leur avenir, leurs points de vue divergent. Alors que Zette rêve de révolution et d’autogestion, Zotte pense qu’il faut redoubler d’efforts pour prendre ascenseur social. Puissance du collectif versus méritocratie en somme, un débat plus qu’actuel.
Comme dans “Bou et les 3 zours”, Elsa Valentin joue avec la langue et invente expressions et autres mots mots valises, elle mélange les lexiques et fait jouer les sonorités.
Ses trouvailles sont toujours très évocatrices, elles rendent le propos plus percutant encore:
“Chaque soir, elles devizaient en faisant cuire la sop.
-Le trapron, faudrait le boustifailler comme un cornichon disait Zelle.
-Mais toi, ça va pas la tête? S’offusquait Zotte.
-Ma tête elle te dit: manifle, grave généreule et révoluture!
-Pfff!Ca sert à nada. Vaut mieux faire des zeurs-sop pour gagner plus de beurre dans les zépinards.”
Les enfants à l’écoute de cette histoire entendent bien qu’il y a de la générosité dans le fait de faire grève, qu’une manif peut vraiment porter un coup et ils se demandent peu-être si Zotte ne serait pas un peu sotte.
Mais la langue de l’autrice, tout engagée qu’elle est, est également polysémique et certains vont surtout retenir qu’il peut y avoir quelque chose de grave à faire grève.
Quoi qu’il en soit, chaque phrase est compréhensible d’emblée mais peut susciter de nombreuses réflexions dans un second temps.
Malgré leur désaccord les sœurs restent proches. Chacune tente de tirer son épingle du jeu à sa façon, mais quand le trapron décide de délocaliser l’uzine, c’est la solidarité et l’action collective qui vont permettre aux zouvrilleuses, de garder leur travail.
Comme le vocabulaire, les images renforcent le propos, mettant en évidence l’opulence indécente du trapron ou son emprise sur les laborieuses ouvrières, mais aussi une forme de joie et de gaité du côté des travailleuses.
Elles sont intemporelles et permettent de situer l’histoire aussi bien au présent qu’au passé.
“Zette et Zotte à l’uzine” peut-être aussi bien une version revisitée de l’histoire des usines lip qu’une vision d’un futur proche.
En tout cas c’est un plaisir de voir des femmes fortes, solidaires les unes des autres, qui prennent leur destin en main et contribuent à changer le monde.
A mes yeux, un album incontournable.