La passoire, Clarisse Lochmann, l’atelier du poisson soluble, 2021, 16€
Il est tellement ténu le fil qui nous rattache à nos rêves. On le tient, il se dérobe. On le déroule, il nous échappe. Rapidement, il n’est plus que bribes, fragile, il n’en restera bientôt plus rien.
La petite narratrice de cet album s’y attache pourtant. Elle veut retenir les images de son aventure onirique, et cherche à retrouver les impressions, les images, quelques mots aussi peut-être.
Il y avait une montagne, c’est certain. Des roses? des vertes? Difficile à dire. On comprends que le rêve à été doux. C’était une nuit d’été. Il y avait une baleine amusante, la petite ne se souvient plus de ce qu’elle à dit de si drôle mais le rire raisonne encore en elle.
Une fête, des gens, qui apparaissent et disparaissent sans que ce ne soit un problème. La maîtresse était en maillot de bain, réminiscence sans doute d’une chanson paillarde.
Les images de l’album recréent ce rêve, avec toutes ses incertitudes. Les contours esquissés manquent de netteté, les couleurs disparaissent, l’encre déborde, les images se chevauchent. Et, faisant ce travail de mémoire, la fillette est tout en mouvement, elle construit littéralement les images, s’y déplace, revit, dans son corps même, les moments forts de sa nuit.
Et si à travers la passoire de la mémoire il ne reste bientôt que quelques morceaux de rêves, les sensations sont bien là.
A la lecture de cet album, on ressent avec la protagoniste la chaleur de la nuit d’été, le plaisir de la fête, l’émerveillement face à l’étrangeté.
Paradoxalement on trouve dans cet album un subtil mélange de familier et d’extraordinaire, des sensations singulières et universelles.
Les illustrations sont chaudes et enveloppantes, elles nous donnent véritablement le sentiment d’être invités à partager le rêve de la fillette.
C’est vraiment un bien joli album.