comme ci comme ça couvertureComme ci et comme ça, Tomi Ungerer, l’école des loisirs, 2020, 13€70

Je l’avoue, je me méfie toujours des albums posthumes. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si l’auteur aurait vraiment souhaité son édition en l’état. Est-ce un fond de tiroir? Un livre inachevé, que l’éditeur a voulu vendre tout de même?

J’avais donc l’esprit plutôt critique vis-à-vis de l’album « Comme ci comme ça », qui vient de sortir alors que son auteur nous a quittés l’an dernier.

Mais nous avons bien affaire à un album du grand Tomi, avec son humour, volontiers grinçant, son sens du rythme narratif et sa volonté de faire cogiter mes mouflets.

Il se présente comme un imagier avec sur chaque page un verbe ou un adverbe. L’image accompagne le texte plus qu’elle ne l’illustre.

comme ci comme ca sentir

Le sens nait à la fois de la confrontation des deux mots de la double page, qui peuvent se répondre ou se contredire, et de celle avec l’image, qui complète, enrichit, ou modifie le sens du texte.

Sur chaque page plusieurs pistes de réflexions possibles, des digressions en pagailles dans la tête du jeune lecteur, des bribes d’histoires qui se construisent.

Adultes et enfants, réunit autour de l’album élaborent du sens, cherchent la nuance, discutent voire négocient.comme ci comme ça

Entendre, ce n’est pas tout à fait pareil qu’écouter. « Parfois, m’a dit ma mouflette, je n’écoute pas mon maître mais je l’entend quand même… Et d’autre fois, j’écoute tellement pas que je n’entends même plus. » Ici les images vont plus loin. Sur celle de gauche, associée au verbe « entendre », deux lapins s’enfuient, au loin l’orage gronde et un éclair foudroie le sol.

En vis-à-vis, dans une image encadrée, un enfant a collé son oreille contre un coquillage, derrière lui on peut voir la mer. Lui n’entends pas, il écoute.

Que de contrastes mis en scène dans cette double page!

Fuite contre immobilité, peur et apaisement, mais aussi duo solitude, précipitation, concentration.

La page de droite semble très rassurante, l’enfant à les yeux fermés, le sourire aux lèvres, le temps semble s’être arrêté. Mais Ungerer est toujours facétieux, il faut qu’il ajoute un élément perturbateur, comme un grain de sel dans un café. Ici ce sont les pinces de crabe, vertes, menaçantes, qui esquissent un mouvement en direction du personnage à son insu. Alors les yeux fermés ne sont plus rassurants, ils inquiètent, à cause d’eux le garçon ne voit pas le danger approcher.

Chaque page peut être lue et comprise d’emblée, mais si on s’y attarde, on peut toujours pousser plus loin la réflexion.

Évidemment, c’est un livre pour lequel il est particulièrement difficile de donner une prescription d’âge. Je trouve déjà que c’est toujours compliqué et rarement pertinent… Sur le sujet, je vous renvoie donc à l’article que j’avais écris il y a quelque temps et qui est toujours valable.