Marée haute Marée basse, Max Ducos, Sarbacane, 2023, 19€90

Ce que j’aime dans la littérature enfantine c’est qu’elle permet toutes les fantaisies, qu’elle peut s’émanciper des limites, sur le fond comme sur la forme, qu’elle regorge de surprises.

Depuis plus de vingt ans que je baigne dedans, s’il m’arrive de temps en temps d’avoir le sentiment que tout a déjà été dit, je suis régulièrement émerveillée d’y trouver de vrais trésors, des surprises, de voir une littérature qui se réinvente sans cesse.

Max Ducos fait partie des artistes dont les trouvailles me surprennent toujours.

Dans marée haute marée basse, il fait de la plage la protagoniste.

Elle est le fil conducteur, l’histoire suit son rythme, les autres personnages ne sont que secondaires, on s’y attache pendant quelques pages et d’autres leurs succèdent.

Le texte s’adresse au lecteur et lui propose de prendre le temps d’observer la vie sur ce bord de mer, pendant une journée d’été.

Il y a les familles, les solitaires, les bandes de potes et ceux qui cherchent l’amour, il y a ceux qui s’activent et ceux qui paraissent. Les baignades, les châteaux de sable, les premiers pas d’un bébé, l’odeur de la crème solaire, les amitiés éphémères, les conflits évités de justesse. Le temps se gâte, puis le soleil revient. Tous ces petits riens, aussi ordinaires que merveilleux, qui prennent place sur une mer époustouflante de réalisme.

Chaque page mérite qu’on l’observe avec attention, et recèle plein de petits détails signifiants. On a aussi l’envie de regarder de loin, de profiter du grand format pour savourer le réalisme des illustrations.

On remarque alors qu’il s’agit d’un plan fixe, dans lequel évolue les humains et l’océan, qui prend parfois toute la place ou presque et se retire au loin, laissant un large espace de jeu, à marée basse.

Une journée entière s’écoule, au petit matin du début de l’album répond une double page sans texte qui montre la nuit, les lumières des bateaux au loin et le reflet de la lune.

Ceux qui ont déjà foulée cette plage la reconnaîtront sans peine. Ils savent que juste un peu plus à droite, hors champ, il y a la dune du Pilat.

Je ne sais pas si cela produit le même effet sur tout le monde, mais moi ça m’a follement émue de savoir qu’elle était là, juste à côté, mais que l’auteur avait choisi de ne pas la montrer.

Car les livres sont riches de ce qu’ils montrent mais aussi de ce qu’ils cachent.

Une fois de plus, c’est très difficile pour moi (et peu pertinent si vous voulez mon avis) de donner un âge auquel cet album peut s’adresser (sujet déjà évoqué ici). Il fait vraiment partie de ces livres qui vont réunir les adultes et les enfants dans un même plaisir et qui offrent plusieurs niveaux de lecture ou de compréhension. Et qui séduit par sa beauté bien avant que la question de la compréhension ne se pose.