La croccinelle Michaël Escoffier, Matthieu Maudet, Frimousse, 13€

S’il y a une tendance, dans l’édition actuelle, à proposer des comptines édulcorées, on sait tout de même que cette forme est souvent assez cruelle. Mathieu Maudet et Michaël Escoffier renouent avec cette tradition dans la croccinelle.

Sur l’air de « il court il court le furet », ils nous présentent une étrange coccinelle à grandes dents. Elle a le sourire carnassier, le regard déterminé et un improbable chapeau de cow-boy sur le dos. Elle dévore tout sur son passage, ce qui inquiète quand même un peu la poule qu’elle croise.

Pourtant, ce n’est pas n’importe quelle poule, c’est le shérif quand même, en témoigne l’étoile accrochée sur son veston et surtout, l’arme qu’elle porte à la ceinture. Et elle n’est d’humeur ni à se laisser croquer ni à se laisser duper. C’est donc avec toute l’autorité que lui confère son statut qu’elle arrête net la croccinelle de peur d’y laisser une patte. Et puis d’abord c’est n’importe quoi une coccinelle à dent, pourquoi pas une araignée avec un nez ou une grenouille avec des cheveux tant qu’on y est. (Comme souvent avec ce duo, l’illustration complète à merveille le texte et vient faire un clin d’œil au lecteur, si, si, regardez bien, vous verrez de quoi je parle)

Dans mon boulot, il y a toute sorte de livres (et la diversité est très importante) mais il y a une catégorie qui me pose souvent problème. C’est ceux que j’appelle les livres accroche. Vous voyez de quoi il s’agit, ces livres qui attirent les gamins comme le miel attire les ours. Ces livres qu’on va devoir relire avant même d’avoir repris sa respiration. Ceux qui vont faire mouche même avec les enfants les moins lecteurs, qui ont du mal à se poser cinq minutes pour écouter.

Ils me posent problème parce que, généralement, ils ne me passionnent guerre. J’irais même jusqu’à l’avouer, je m’en lasse assez rapidement. Alors, comme ils me sont très utiles, je continue de travailler avec mais parfois, j’en viens à les maudire intérieurement et quand je vois le visage d’un mouflet s’illuminer en voyant la couverture de l’un d’entre eux, je suis à deux doigts de me dire que je mériterais un salaire bien plus élevé pour ce que je fais.
Mais ça c’était avant. Maintenant qu’il y a la croccinelle dans mon fonds de livre, je vois les enfants se tordre de rire (je n’exagère pas, l’autre jour un enfant de deux ans et demi était tellement plié de rire que tous les adultes présents se sont pris un fou-rire) sans me lasser et je me prête volontiers au jeu quand l’inévitable « encore! » retentit.