À la lisière, Nina Neuray, la partie, 2024, 18€
Quand les humains désertent le parc pour enfant à la fin de la belle saison, il ne reste pas vide bien longtemps. Une renarde d’abord l’investit à pas feutrés. Rapidement grenouilles, cochons sauvages, biches et autres la rejoignent. Ils s’installent dans le toboggan, font des terrier dans le bac à sable, squattent la piscine, transforment le pédiluve en bain de boue. On ne saurait dire s’ils ont trouvé là un formidable terrain de jeu ou un espace de vie, mais petit à petit ils transforment le paysage, l’hiver fait le reste.
Puis les beaux jours reviennent, les humains tentent de mettre bon ordre dans tout ça. Mais ils réveillent l’ourse qui hibernait là et se sentent rapidement en danger.
Ils décident finalement d’abandonner le territoire, le parc qui se situait à la lisière de la ville en sera bientôt séparé par un mur de brique.
Les illustrations à la peinture de Nina Neuray alternent entre pleines pages et vignettes, faisant ainsi varier le rythme de la lecture (l’histoire est très souvent portée par l’image seule, le texte est minimaliste).
A l’impression de liberté des premières pages succède celle d’oppression quand les humains reviennent. Cet album nous interroge à la fois sur nos liens à la nature, la place que l’on est prêt à lui accorder et plus largement notre rapport à ce qui bouleverse nos habitudes.
J’y vois aussi une réflexion sur les frontières: au fond de quoi a-t-on peut au point de construire un mur pour nous en séparer? À quel point cette peur est-elle déraisonnable? Jusqu’où peut-on s’approprier un territoire? C’est beau, subtil et ça incite à réfléchir.