Un beau voyage, Balint Zsako, saltimbanque, 2024, 19€90
Cet album est présenté comme un poème dessiné, une invitation à muscler son imagination. Moi je lui trouve plutôt des airs de romans, par sa structure (prologue, plusieurs actes et un épilogue) et par sa densité (quelques 180 pages richement illustrées). Le prologue nous montre la naissance et la croissance d’un arbre, il est posé là comme un décors, il se dégage de ces quelques pages une ambiance sereine. Mais l’histoire commence ensuite sur un rythme haletant, face à un loup féroce un lapin détale. Il se réfugie auprès d’un arbre, qui fait fuir le prédateur. Une amitié est née. Ensembles, l’animal et le végétal traverseront des épreuves, des pages sombres de fuite et de dangers. Ils sillonneront aussi des paysages enchanteurs, foisonnants d’insectes et de fleurs. Les couleurs dominantes alternent les tonalités sombres et froides et l’immensité d’un ciel rougeoyant, la clarté d’un matin d’été. L’exil, la fuite, c’est parfois dur. Mais parce qu’ils sont ensemble et qu’une solide amitié se créé pendant cette errance on ressent autant de bonheur et d’espoir que d’inquiétude. Pour porter son ami, l’arbre se fait tour à tour bateau, avion, train. Il est l’élément magique qui permettra au lapin de retrouver les siens, qu’il avait perdu dans sa fuite. Le temps viendra alors pour l’arbre de fonder lui aussi une famille.
Une des choses que j’apprécie dans les livres tout en image comme ici c’est qu’ils offrent une grande liberté d’interprétation. Alors que le titre évoque un beau voyage, on peut y voir des thèmes beaucoup plus sombres, le départ forcé face à un prédateur, la perte de sa famille, les épreuves à dépasser avant de trouver enfin une terre d’accueil.
Chaque lecteur avec ses propres référents peut se créer sa propre histoire, qui évoluera sans doute au fil des lectures.
Si les albums sans texte vous mettent en difficulté, il y a quelques pistes pour les utiliser ici.