La petite mémé futée, Eric Battut, Didier jeunesse, 2022, 13€90
C’est une petite mémé à l’ancienne que nous rencontrons dans ce joli album. Bouille ronde, joues roses, fichu sur la tête, elle porte un tablier et semble vivre (presque) seule. Mais il n’est pas question ici d’une solitude triste, elle affiche un air très serin.
Un matin, alors qu’elle admire son jardin, la Grande Mort pour l’emmener loin loin loin.
Mais la petite mémé ne peut pas partir tout de suite, elle doit nourrir ses poules avant le départ.
Et il y a les légumes du potager à récolter. De quoi préparer un bon repas, à partager avec la Grande Mort.
Celle-ci a une forme fantomatique mais affiche un sourire doux et elle finit par poser sa faux, qui semble l’encombrer plus qu’autre chose, pour savourer les mets préparés par la petite mémé futée.
Je l’ignorais mais manifestement, la mort est une bonne vivante. Et elle semble de bonne compagnie. Il faut les voir toutes les deux à table, têtes tournées vers le lecteur, comme posant pour une photo souvenir, le chat à leur pied, le balais de la mémé posé contre un mur tout comme la faux. On dirait qu’elles passent un bon moment.
Passée la pause déjeuner, la petite mémé se remet à s’affairer, au point que quand le jour décline la Grande Mort préfère remettre son projet à plus tard, c’est seule qu’elle repart loin loin loin, elle reviendra plus tard… Sans doute. Mais l’album ne le montre pas.
Cette histoire est très tendre et résolument optimiste. La petite mémé semble sortie d’un autre temps mais pleine d’énergie, elle respire l’éternité.
Le chat noir qui la suit partout ne semble pas lui porter malheur, il lui tient discrètement compagnie.
Malgré la grande sérénité qui se dégage de cet album, il recèle quelque chose d’étrange, qui semble échapper au lecteur.
La grande maison totalement isolée, dont le mur d’enceinte change d’une page à l’autre, la treille de fleurs noires qui semble vivante à l’arrière plan, jamais tout à fait au même endroit, les poissons rouges dans le bocal mis en valeur à l’avant plan de l’image, alors que plus loin le chat renifle dans sa gamelle une arrête. De très nombreux éléments de l’image semblent avoir un peu plus à raconter que ce que dit le texte.
J’aime assez qu’un livre résiste un peu à la compréhension, qu’on se demande ce que l’auteur a bien voulu dire ou montrer à demi mots.
Je pense que ce sont des éléments qui enrichissent la lecture, et qui ne perturbent pas du tout les enfants. Ils sont habitués à essayer d’échafauder du sens en fonction de ce qu’ils voient ou entendent, à faire des hypothèses, à tâtonner. C’est même comme ça qu’ils apprennent. Et ce qu’ils apprécient d’un livre c’est l’impression générale qui s’en dégage autant que ce qu’ils en comprennent.
Claudette John
23 juin 2022 @ 8 h 16 min
Est ce que cet album vous a rappelé 5minutes et des sablés de Stéphane Servant et Irène Bonacina?