Un bébé ? Quel cadeau ! Auteurs : Christian Dageville, Pierre Denis, Chantal Grosléziat, Jasky Israel, Marie Léonard-Mallaval, Sylvain Missonier, Danielle Rapoport, Dominique Rateau, Serge Tisseron . Sous la direction de Patrick Ben Soussan.

Collection : 1001 bébés

Editions : Ères

Prix : offert avec l’achat d’un autre livre de la collection.

Pages : 134.

 

Un bébé, quel cadeau ? Titre à double sens, un chouia provocateur…Mais qui sonne réaliste au fond.

L’arrivée de bébé chamboule complètement la vie du couple, de l’homme, de la femme.

Différents thèmes transversaux sont abordés : accueillir, autour de la naissance, bébés au quotidien, drames et aléas de la vie de bébé, du côté des parents, les bébés et la culture, mieux connaître les bébés. Les nombreux auteurs cités plus haut apportent tour à tour leurs connaissances.

L’introduction de Patrick Ben Soussan met le doigt sur la place de l’enfant aujourd’hui et notamment du « sharenting » (sharing= partage): 90% des enfants de moins de 2ans ont leur photo sur Facebook. Prolongement narcissique de soi ?

Du passage du bébé-tube-digestif au bébé-savant, de Dolto à la psychanalyse, vous pourrez combler votre soif de savoir à travers les 150 livres publiés depuis 20 ans chez 1001 bébés.

Danielle Rapoport démarre son thème « accueillir » par un pénétrant « la terre n’était que solitude, chaos et ténèbres ». Dur d’enchaîner après ça ! Et pourtant elle le fait avec brio, si vous avez l’occasion de la voir en conférence, foncez ! Elle vous transportera !

Elle entend l’accueil dans sa double dimension : physique et psychique. Tout comme le titre de ce livre, ce mot comporte une partie négative, par exemple, en prenant l’expression « accueillir à coups de fusil », et positive, quelqu’un d’accueillant est une qualité.

Malgré sa dimension multiforme, l’accueil est au centre des préoccupations lorsque l’on s’occupe de jeunes enfants, à la crèche, en pouponnière comme à l’hôpital, réflexion tenant ses racines dès mai 68 selon D. Rapoport.  Elle porte notre attention sur le caractère court de ce mot, alors que c’est dans la pérennité qu’il trouvera sa qualité, en se vivifiant.

Sylvain Missonier démarre très fort en nous apprenant que les geeks américains surnomment Google : God ! (Dieu !). (Oups j’avais écrit « Gogole »).

Il nous parle de la « baby-shower » en pleine expansion en France : passage de la femme de jeune fille à mère (seconde naissance ?) dans l’accompagnement la célébration.

Il brassera également un historique amenant à comprendre l’évolution de la vision du fœtus, de la procréation médicalement assistée à la loi anti-avortement, aux échographies, dépistages… D’une époque où le fœtus n’étais fait que d’imaginaire, il peut aujourd’hui se dessiner dans la tête du futur parent grâce à toutes les informations obtenues au fil des examens. Il existe un certain « pouvoir » par les nouvelles méthodes d’approche du fœtus : déshumanisation ? Scientisme des soins ?

Le grand Jasky Israël, qui nous a aujourd’hui quitté aborde une question centrale du « cadeau » du bébé, l’une des choses les plus éprouvantes pour le jeune parent : le pleur du bébé. « Quipuniki ? ».

Il est tout à fait humain de vouloir que les cris stridents cessent. Surtout que dans l’imaginaire, ils n’existaient certainement pas. Surtout que l’enfant va passer par des phases à 6 mois, 12 mois, 18 mois, 24 mois… Quand on pense que c’est fini, c’est reparti…

Jasky Israël soulève que la femme n’a, dans notre époque, pas le temps de vivre sereinement l’avant-accouchement et de profiter de son bébé. Ce tourbillon peut renvoyer un sentiment d’incompétence, de tourmente voire de naufrage.

On dit qu’il « faut tout un village pour élever un enfant », la solitude que la mère peut ressentir, par la reprise du travail du papa au bout de 11 jours, par l’éloignement familial qui fait souvent légion à notre époque, va accentuer ce sentiment de mal-être.

Il met les pieds dans le plat du « il dit non tout le temps, me provoque, les colères, les punitions… » en apportant son savoir.

Pierre Denis nous cite les grands noms : Emmi Pikler, Myriam David, Geneviève Appell : monuments humains ayant traité « le paradoxe d’élever des bébés en collectivités ». Si vous ne connaissez pas l’histoire de l’institut Lóczy à Budapest, allez vite « God-iser ». Ces personnes méritent un hommage, elles ont fait avancer à pas de géant le fameux accueil de Danielle Rapoport, qui encore à l’heure actuelle, nous sert au quotidien dans nos structures collectives de jeunes enfants.

Serge Tisseron… Ce nom vous dit quelque chose ? Vous n’êtes sans doute pas passés à côté du « 3-6-12 » ! Ou alors c’est du charabia pour vous… Monsieur Tisseron a comme cheval de bataille : les écrans ! Avant 3 ans il pose la double problématique dans le développement de l’enfant : le temps passé devant l’écran est du temps manquant dans l’exploration du monde… Source de tous les apprentissages. Et en parallèle, l’effacement du regard miroir du parent aimant.

Il élargit la question aux consoles et à l’usage d’internet.

Sujet on ne peut plus d’actualité dans notre société.

Christian Dageville nous raconte l’histoire poignante de Nicolas, né prématurément. Raz de marée pour les parents, qui ne s’y attendaient pas ! Les différentes étapes y sont décrites : la préparation à la prématurité, l’installation dans l’unité des nouveau-nés, l’adaptation des organes à la vie aérienne, la maturation neurologique et la croissance, l’accès à une autonomie suffisante, puis, enfin, le retour à la maison !

Patrick Ben Soussan continue ce grand voyage aux multiples visages, avec son « faites des pères, faites des mères ». Oui, vous aussi vous avec eu une minute de flottement. Il commence par décrire Sigmund Freud comme un vieux monsieur voyant le sexe partout… C’est donc le père de la psychanalyse. Toute lecture de Ben Soussan a son lot de culture générale. Il nous fera donc découvrir le tableau « Ceci n’est pas une pipe » de Magritte, « Saturne dévorant un de ces enfants » de Francisco de Goya et « Isis » sculpture de G.Lacombe. Vous voyez mal le rapport avec tout ce que l’on vient d’évoquer ? Moi aussi. Et en fait, le lien est dans « on ne devient parent qu’en tuant (appel au crime ?), en dévorant, l’enfant merveilleux qui est en nous ».

Il nous rappelle que nous ne naissons pas père et mère, que nous le devenons et qu’il n’est pas de naissance sans douleur.

C’est avec brio qu’il ajoute une note de musique : être parent s’affirme en deux portées : la filiation et l’alliance.

La fée Clochette et Peter Pan viendront faire leur apparition dans la conclusion. Il interroge finalement les nouveaux modes de procréation, configurations familiales, la monoparentalité, le PACS et tous les changements sociétaux de ces dernières décennies.

Dominique Rateau nous parle de l’appétit des petits pour le livre, (thème qu’elle avait aussi abordé ici et  ici) développe et analyse le parallèle entre l’alimentation et livre, la gastronomie et la littérature. Rapprochement que je n’avais jamais perçu, que je regarde aujourd’hui avec attention, car il est évident que les livres nous nourrissent de mots. Et je peux que valider que les ouvrages pour enfants sont des mets à dévorer !

Chantal Grosléziat (musique en herbe) nous parle musique et sons en commençant par une célèbre phrase d’un petit garçon dont Freud (vous savez le vieux monsieur qui ne pensait qu’à.. ?) demandant à sa tante de lui parler dans le noir car « du moment que quelqu’un part il fait plus clair ».

Le nourrisson reconnaît la voix de sa mère à travers toutes et distingue dès 6 mois une langue différente de celle maternelle. La musique est une « langue des affects ». Les jeux vocaux, la pensée narrative sont les premières compréhensions du monde. Une très jolie conclusion clos ce chapitre « l’œuvre d’art, l’œuvre musicale surtout, est toujours du côté de l’être, pas de l’avion ni du savoir… Le fil de l’être, trop tendu, se met à vibrer doucement » Michel Schneider.

Pour terminer cet ouvrage, Marie Léonard-Mallaval, nous parle de la bouche. Bouche qui renvoie à la tétée, à la dévoration du livre, à la production de son, de musique, bouche comme outil d’accueil et de contact.

Elle repose le besoin du bébé de découvrir le monde par cet orifice lors du stade oral. Le bébé « tète et suce par réflexe vital ». Au-delà du sens premier alimentaire, une découverte de tout et un « je t’aime je te mangerai, je ne t’aime pas je te boufferai ».

Puis les dents apparaissent et donc les morsures… Sujet récurrent de collectivité. Et oui, c’est dur à avaler quand trois enfants ont été mordus dans la même journée. Mais à l’âge de la » motricité impérieuse » et de la découverte de l’autre comme intéressant mais aussi gênant, les crocs sortent ! Mais ne mord-on pas aussi la vie à pleines dents ? La trace de la morsure reste bien plus longtemps que la gêne occasionnée mais il est difficile pour l’adulte de voir le corps de l’enfant « abimé ».

Elle conclut donc en ces termes « il ne faut pas en faire tout un plat » !.

Les questions abordées dans ce livre sont nombreuses, nous pouvons avoir l’impression de nous perdre un peu par moment, mais on en ressort avec une vision riche de ce qui entoure le bébé.

Oui le bébé est un « cadeau » merveilleux, chair de notre chair au développement incroyable mais son arrivée est un chamboulement de taille qu’il ne sert à rien de nier.

Tout n’a pas à être beau, à être rose (ou bleu), il y a aussi tant de difficultés et d’incertitudes, c’est cette route tortueuse qui en fait une magnifique aventure.