On n’est pas des poupées Delphine Beauvois, Claire Cantais, La ville brûle
On n’est pas des super-héros Delphine Beauvois, Claire Cantais, La ville brûle
On n’est pas si différents Delphine Beauvois, Claire Cantais, La ville brûle
Ces trois albums explorent différentes facettes d’un même sujet: L’affirmation de soi comme individu unique, pas nécessairement conforme à l’image stéréotypée que les autres peuvent avoir d’une personne. Les deux premiers titres essayent de lutter contre l’image très normée de ce que devraient être une fille ou un garçon. Le 3eme est une gallerie de portrait de ces enfants que l’on dit “différents” et qui, finalement, sont par bien des points semblables aux autres.
La collection annonce la couleur: “Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour lutter contre les
stéréotypes, la collection «Jamais trop tôt» propose des albums qui ne
tournent pas autour du pot.” Voilà qui est dit. Et en effet, on est loin de la métaphore ou du symbolique, les choses sont dites avec l’évidence et la simplicité des mots d’enfants.
L’illustratrice utilise un mélange de dessins, de collage, de photos pour accompagner les textes d’images joyeuses, dynamiques et colorées.
Les textes, courts, interpellent le lecteur: “Je parle fort parce que j’ai des choses à dire… Devoir être sage comme une image… Et puis quoi encore?”
Voilà des albums qui me mettent dans une position professionnelle inconfortable. Qui me mettent face à mes contradictions.
Des albums que j’apprécie, que j’ai envie de lire à mes filles, que
j’offre aux enfants des amis et pourtant, je ne les utilise pas dans mon
travail. Pourquoi? Au fond, je ne pense pas qu’il y ait des sujets à éviter en littérature jeunesse, au contraire, on peut tout aborder. Alors?
J’avoue que je vais plus facilement vers des albums qui utilisent la métaphore, la poésie, des albums qui incitent l’enfant à penser les choses plutôt que des livres qui affirment.
Ici, l’affirmation est très forte. A la hauteur des injonctions qu’elle entend combattre sans doute. Peu de place aux doutes, peu de place à la contradiction quand on les lit. Du coup, même si à titre personnel j’adhère totalement à chaque mot écrit dans ces albums, j’ai du mal à les proposer dans le cadre de mon travail, qui prône la lecture plaisir, sans objectif d’apprentissage ni didactique.
Pourtant, l’autre jour, un échange entre ma cadette (de 5 ans, donc) et une de ses copines m’a convaincue, une fois de plus, de la nécessité de ces albums.
Elles étaient toutes les deux à la maison, ma fille sort “on n’est pas des poupées” et commence à le raconter, de mémoire, en montrant les images à sa copine. Et voilà que certaines phrases font un débat entre elles. Alors comme ça, on peut trouver que le rose c’est moche? Ou décider de ne pas avoir d’enfant plus tard? Se sauver soi même plutôt que d’attendre un improbable prince? Terrasser des dragons?
Ce livre qui me semblait peut être un peu trop enfermant s’est révélé être un formidable support d’échange entre elles. Je ne suis pas intervenue, je les écoutait en buvant mon café, elles avaient des discussions très riches, argumentées, elles s’appuyaient sur les magnifiques illustrations pour étayer leur propos (bon, comme peuvent le faire des enfants de 5 ans, hein: “Mais si, regarde, le rose saucisse, c’est moche!” “ah mais là, regarde, elle porte un short rose et c’est joli quand même”etc).
Des livres qui donnent à penser donc. C’est quand même un de mes premiers critères pour choisir des albums. Tout cela ne m’aide pas à résoudre mes contradictions, je continuerais donc d’offrir ces livres à mes amis sans pour autant travailler avec, mais je serais curieuse d’avoir vos retours, en tant que parents ou que professionnels, sur ces albums.
Et pour aller plus loin, vous pouvez lire l’interview de Delphine Beauvois a l’ombre du grand arbre
Et les billets sur On n’est pas des poupées et On n’est pas des super-héros du tiroir à histoires
Deux autres albums de cette maison d’édition chroniqués ici.