Nos petits enterrements Ulf Nilsson, Eva Eriksson, Pastel

C’est l’été, dans la maison familiale les enfants semblent désœuvrés. Quand Esther, l’aînée trouve un bourdon mort, elle y voit une occasion d’occuper la journée. On va l’enterrer. Les enfants rejouent à la perfection les rituels qui accompagnent la mort: cérémonie en grandes pompes avec poème et larmes.

Esther se prend au jeu. Après tout, la campagne est pleine d’animaux
morts, quelqu’un doit bien se dévouer pour les enterrer. Les voilà
partis à la recherche d’un animal un peu plus conséquent qu’un insecte.
Quand ils découvrent enfin une musaraigne, ils organisent des
funérailles à la hauteur. Lolo, le benjamin de la bande n’a pas l’air de
vraiment comprendre ce qu’est la mort. Il interroge les plus grands qui
répondent avec leurs mots d’enfants:

“Oui, tout le monde doit mourir et n’être plus rien c’est triste et tout le monde pleure.

-Moi? Moi, je dois mourir?
-Pas maintenant, tête de pioche, a dit Esther. Quand tu seras un vieux, vieux monsieur là, tu vas mourir”.
Pendant l’enterrement les questions, petit à petit trouvent des éléments de réponses. La différence entre mort et sommeil, la notion d’éternité et la maladie sont évoquées. Leur jeu symbolique autour des rites funéraires se poursuit tout au long de la journée.
Rien de morbide cependant dans cet album, les enfants expérimentent les émotions liées au deuil dans la sécurité d’un jeu, qui met le thème à distance.

S’il est un sujet que les adultes ont du mal à aborder, c’est celui là. C’est d’ailleurs ce qu’on me demande le plus souvent, au point que c’est pour recenser des livres qui parlent de la mort que j’ai créé ce blog il y a des années.
Les professionnels de la petite enfance avec qui je travaille, comme bon nombre de parents, ont pourtant tendance, dans un mouvement spontané, à rejeter les albums qui traitent de la mort. Jusqu’à ce qu’ils aient affaire à un enfant directement concerné par le sujet. Ils me demandent alors des références et se précipitent en bibliothèque pour revenir les bras chargés d’albums qu’ils ont l’intention de partager avec l’enfant endeuillé.
Je crois intimement qu’ils sont dans l’erreur. Qu’ils devraient faire exactement le contraire.
Non, les livres sur la mort ne traumatisent pas les enfants. Au contraire, ils leur donnent des mots à mettre sur leurs émotions. Non, il ne faut pas cacher aux enfants que tout le monde  finit par mourir. Ils le comprendront bien un jour. Ce jour là, si ils ont été nourrit d’histoires sur le sujet, ils sauront appréhender leurs émotions.
Mais non, pour autant, la solution n’est pas forcément dans le livre quand on n’arrive pas à aborder le sujet avec un bambin. On voit parfois des enfants qui se détournent alors du livre, ils veulent à ce moment là lire pour s’échapper de la réalité, fuir leur chagrin, pas en trouver le reflet.
Je travaille depuis plusieurs années avec dans mon fonds de livre des albums comme celui là, comme La découverte de petit bond ou encore Loulou. Je peux témoigner que les enfants qui les choisissent n’ont jamais été bouleversés à leur lecture. Ils écoutent l’histoire, enregistrent les réactions des personnages, découvrent les mots liés à cette situation particulière, les rituels qui l’entourent. Tout cela s’inscrit dans leur mémoire. Le jour où ils auront besoin de surmonter cette épreuve, les livres qu’on leur aura lu seront là, disponibles dans leur psyché, ils sauront bien s’y référer.