Un brouillamini, Karen Hottois, Vincent Pianina, Albin Michel jeunesse, 2024, 18€

Chaussons nos lunettes et allons ensemble observer la petite société du jardin, bien vivante au cœur de l’hiver.
Cela va nous demander de l’attention, on ne rentre pas si facilement dans l’intimité du petit peuple minuscule.

D’emblée, on comprend que ver de terre, mite ou sauterelle ont des aspirations bien humaines. Et que la communication entre eux n’est pas plus facile que la nôtre, elle a son lot de quiproquos et malentendus ! Et puis, c’est compliqué, le jardin enneigé est vaste, avec des petites pattes ce n’est pas si simple d’aller de chez l’un à chez l’autre (et sans patte du tout comme pour l’escargot, je n’en parle même pas).


C’est qu’ils n’ont pas internet, eux, ils communiquent à l’ancienne. Les lettres sont convoyées sur la neige par le facteur sans gambettes, l’escargot justement. Il fait ses allers-retours entre les protagonistes qui eux-mêmes se mettent en mouvement pour aller se rencontrer, qui cherchant l’amour, qui cherchant l’amitié.
Cela fait plusieurs histoires parallèles, qui se croisent parfois, se ratent souvent, créent des opportunités des plus inattendues, parfois à la faveur d’une méprise.


La mise en page matérialise ces histoires qui se jouent dans le même temps, avec l’usage de bandes parallèles qui s’additionnent sur la page blanche comme neige. C’est comme plusieurs petites scènes qui s’allumeraient tour à tour et parfois toutes en même temps.


Quelques images pleines pages replacent les petits espaces dans le grand, les maisons de chaque personnage dans le cadre plus large du jardin.


Notre regard fait des allers-retours entre les différentes scènes et notre attention passe d’un personnage à l’autre, la narration est complexe, comme l’indique le titre.


Un brouillamini est de ces albums qui se savourent d’autant plus à la relecture. Les choses se positionnent les unes par rapport aux autres, prennent sens, l’histoire se tisse quand on a dépassé la première impression un peu déstabilisante.
On s’attache de plus en plus au destin de ces minuscules personnages, leurs aspirations sont touchantes, leur maladresse émouvante.

C’est un album auquel je reviens avec plaisir mais qui nécessite de prendre le temps.
Pas toujours facile à proposer dans le cadre de mon travail, il se prête par contre parfaitement à une lecture familiale, plus intime.