Superflu, Emily Gravett, kaléidoscope, 2020, 13€
Meg et Ash, deux pies, construisent un nid pour leur progéniture à venir, sous le regard attendri des animaux du coin.
Herbe, boue, bâtons et, oh, tiens, les pages arrachées à cette vieille revue feront l’affaire pour compléter le tout. Est-ce sous l’influence d’un encart publicitaire aperçu au passage qu’ils se mettent en quête d’objets, toujours plus nombreux, pour garnir leur nid?
Les voilà qui récupèrent, entassent, accumulent des choses de plus en plus encombrantes.
La surenchère devient rapidement absurde, au sol les autres animaux semblent tour à tour inquiets et consternés.
On note au passage que les objets d’abord récupérés sont ensuite manifestement volés (mais c’est bien là la nature des pies!)
Cédant aux sirènes de la consommation à outrance, elles anticipent sur des besoins totalement imaginaires de leurs futurs oisillons: mais que feraient des bébés pies d’un vélo ou de chaussettes pour bébé? Et ce sceau, encore rempli d’eau savonneuse, même accompagné de sa serpillière ne leur sera pas d’une grande utilité.
Enfermés dans leur fierté de futurs parents, convaincus de faire le nécessaire pour leurs bébés à naître, Meg et Ash poursuivent leur accumulation jusqu’au point de rupture… De la branche sur laquelle ils ont construit le nid.
Crac, le superflu tombe, entraînant le nid et les précieux œufs dans leur chute.
Comme souvent chez Emily Gravett, le rythme de lecture est donné autant par l’image que par le texte.
Ici le récit prend des allures de ritournelles, presque toujours en alexandrin (d’ailleurs chapeau à Rolland Elland-Goldsmith, le traducteur), toujours en rimes. On y trouve une emphase qui fait parfaitement échos à l’accumulation des objets.
L’illustration grossit encore le trait pour accentuer le caractère burlesque de la situation. Les animaux qui observent la scène et réagissent silencieusement, comme un chœur qui souligne aussi le ridicule des pies. (On reconnaît parmi eux Benoît, le héros de l’album Le grand ménage)
Finalement, l’histoire se termine bien et les oiseaux s’apprêtent à éduquer leurs petits dans plus de simplicité. Mais sauront-ils leur transmettre ce tout nouveau sens du dépouillement? Pas certain si l’on en croit la toute dernière image…
J’aime assez la finesse dont fait toujours preuve Emily Gravett. Dans ses derniers albums les thèmes de la surconsommation et de l’écologie sont toujours présents mais elle ne fait jamais la morale aux gamins, elle se contente de leur raconter des histoires, chacun comprend ce qu’il veut là dedans.