Si j’avais une girafe, Shel Silverstein, Grasset jeunesse, 16€90

Les enfants, c’est bien connu, faut toujours que ça exagère. Et Shel Silverstein, c’est bien connu, c’est un grand enfant. Il navigue dans la démesure enfantine comme un poisson dans l’eau.

Tenez, par exemple, si il se voit en possession d’une girafe il ne s’en contente pas, il accumule les idées loufoques et imagine les situations les plus improbables.

Pourtant, les choses commencent très sobrement. “Si j’avais une girafe…” dit le texte, alors que sur la page blanche un enfant dessiné au simple trait noir possède déjà l’animal. Ça doit être cette page blanche justement qui a stimulé l’auteur. Une grande page toute blanche comme ça, forcément, ça donne envie. Il faut bien investir l’espace. Alors l’enfant étire l’animal, jusqu’à lui faire occuper la double page. Le voilà doté d’une girafe et demie, ce qui le met déjà dans une situation inconfortable (vous avez déjà essayé de tenir en laisse une girafe et demie?)

Et, quitte à posséder une girafe et demie, pourquoi ne pas l’affubler d’un chapeau dans le quel niche un rat? Je ne peux qu’imaginer la joie enfantine de Shel Silverstein accumulant au fil des pages accessoires et personnages plus étonnants les uns que les autres.

Se laissant emporter par son imagination, l’enfant se retrouve, tantôt perplexe tantôt amusé, en compagnie d’un putois, d’une guêpe, d’un dragon à roulettes, d’une baleine, et de bien d’autres choses encore, tous entourant toujours la girafe (et demie), dans un dessin de plus en plus fournit qui envahit la page au point qu’elle peine à contenir tout ce petit monde.

Et puis, après le temps de l’escalade, vient celui du dénouement. Après ce joyeux tourbillon le retour au calme va prendre un peu de temps, bien entendu. Avec la même absurdité que dans le début du livre la girafe et son petit maître vont voir disparaître chapeau-rat, complet veston, baleine et autre dragon à roulettes. On retrouve le blanc de la page, on reprend son souffle et on est tenté de recommencer immédiatement.

Si vous aimez le grand n’importe quoi (ce qui est mon cas) vous ne pouvez qu’apprécier cet album. On rit, on se laisse emporter, on ne se rend même pas compte à quel point cette accumulation dans l’image et dans le texte ressemble aux jeux d’enfants.

Ajoutons à cela un texte délicieusement désuet (la première édition date de 1964) chantant comme un poème. Voilà un album plein de gaieté que je conseillerais plutôt en rentrant de l’école qu’avant de se coucher. Un peu trop stimulant pour accompagner le sommeil, si j’en crois l’expérience de mes mouflettes (qu’un rien stimule à l’heure d’aller au lit).