L’histoire d’Erika, Ruth Vander Zee, Roberto Innocenti, éditions d’eux, 2021, 15€
Il y a des albums qui sont absolument nécessaires. Des histoires dont on ne saurait se passer, qu’il est indispensable de raconter
L’histoire d’Erika est de celles là.
Elle commence dans un wagon à bestiaux, qui emporte des humains vers un camp de la mort.
Sur l’image grise, terne, poussiéreuse, ils n’ont pas de visage, pas plus que leurs bourreaux. Mais les silhouettes suffisent pour identifier des familles, des enfants, beaucoup d’enfants. Jeunes, très jeunes pour certains.
Parmi eux, la narratrice de cette histoire, alors âgée de quelques mois.
Elle ne peut qu’imaginer ce qu’il s’est réellement passé, supposer la peur, présumer la prise de décision. Ce qu’elle sait, avec certitude, c’est que le train un instant a ralenti et que sa mère en a profité pour la jeter par la fenêtre, la soustrayant ainsi au destin funeste qui était le sien.
Elle a été ramassée, sauvée, baptisée Erika et elle a pu construire une vie, la sienne, dont on sait dès le début de l’album qu’elle a été longue, puisque c’est une vieille dame lorsqu’elle prend la parole.
Le récit est poignant et les illustrations ne l’adoucissent en rien. Aucune concession n’est faite à une quelconque romantisation de l’histoire. Oui, c’est dur. Oui, ça fait peur.
Deux procédés tout de même rendent l’album supportable même aux lecteurs empathiques. D’une part l’histoire est enchâssée dans une autre, beaucoup plus anecdotique: celle de la rencontre entre l’autrice, Ruth Vander Zee et Erika, en 1995.
D’autre part, le texte et l’image sont parfois totalement séparés. Les deux sont extrêmement touchants et il est plus simple pour le lecteur de gérer les émotions qu’ils suscitent en y étant confronté alternativement.
Car chacune des illustrations a une très grande force évocatrice et, il faut l’avouer, on ne sort pas indemne de ce récit.
C’est là une des qualités de la littérature, elle bouleverse sans fragiliser.
L’éditeur indique que l’album est adapté dès 8 ans. J’ai toujours trouvé difficile de donner des indications d’âge (j’en parle d’ailleurs ici) mais pour un livre comme celui-ci en particulier à vous d’en juger en fonction de la sensibilité de l’enfant à qui vous le destinez, et de votre capacité à répondre aux questions qu’il suscitera très probablement.