J’veux pas y aller! Ghislaine Roman, Csil, Frimousse 13€

« Non mais c’est pas vraiment de la peur, enfin je veux dire, bon, voilà quoi, j’veux juste pas y aller, c’est tout, mais j’ai de bonnes raisons pour ça quoi… » Petit air bien connu des parents et autres instituteurs qui écoutent patiemment les excuses invoquées par les enfants qui essayent de se débiner.

A travers une galerie de portraits d’enfants, nous découvrons une série d’excuses plus ou moins tirées par les cheveux. Rapidement on comprend à quoi les enfants essayent d’échapper. D’ailleurs, dès la page de garde, l’image nous donne des indices que les enfants interprètent généralement très bien: bonnet de bain, tubas et bouée canard ne laissent aucune place au doute.

Au départ on a l’impression qu’ils se ressemblent un peu tous ces bambins. Réunis dans la même inquiétude à l’idée de plonger dans le grand bain, ils ont le sourire à l’envers et l’air dépité.
Mais à y regarder de près, chacun a ses caractéristiques, et bien entendu, chacun a sa bonne excuse. Allez, je vous livre mes deux préférées, celles que j’ai bien du prononcer un jour dans mon enfance et que j’entends dans la bouche de mes filles: « T’imagine, dans le vestiaire, Hugo va voir mon derrière » et « Mon maillot est trop petit. Tu vois bien que j’ai grandit ».

Rien qu’avec ces deux extraits je suis sûre que vous avez repéré la forme poétique, les phrases qui font toutes sept syllabes et bien entendu la rime. Cette forme permet aux enfants de s’approprier le texte très rapidement et d’apprécier la musique de la langue.

Il y a une grande maîtrise dans le texte de Ghislaine Roman qui a su échapper à la maladresse qu’on voit parfois quand la rime est poussive ou qu’elle semble artificielle.

Les portraits croqués par Csil sont délicats et vitaminés. Chaque enfant, mis en valeur sur une page blanche, est montré face public, à l’exception notable de celui qui a un maillot trop petit et qui nous le prouve en se montrant de dos (ah, décidément, cette page est ma préférée, je m’identifie à la fois au pauvre enfant obligé de porter un maillot qui lui rentre dans les fesses -parce que ses vilains parents n’en ont pas acheté un neuf- et à la mère qui n’a vraiment pas vu grandir son enfant -mais en même temps c’est pas de ma faute quand même s’il pousse comme un champignon-).

La chute est confiée à la seule image, qui prend alors l’espace de la double page.

On voit les sourires timides se dessiner sur les visages, jusqu’au moment où le petit groupe se jette enfin à l’eau. Aucune intervention d’adulte n’est visible dans l’album, comme pour montrer que les enfants possèdent les capacités à surmonter eux même leurs inquiétudes.

Je n’ai pas encore eu le temps de travailler beaucoup avec mais il a déjà été choisi plusieurs fois par les enfants et apprécié des parents.