Fracassante rencontre, Estelle Vonfeldt, Giulia Pintus, A2MIMO, 2021, 16€
Comment résister à un titre pareil?
Tout comme l’image de couverture, il annonce l’étrangeté du récit qui va suivre.
J’aime que les albums nous transportent dans un univers singulier, surtout quand c’est pour nous parler des problématiques de notre monde, comme c’est le cas ici.
Dans ce monde là, chacun porte une plante qui pousse sur sa tête.
De ce “végétête” dépendent bien des choses, puisqu’on se fie à elle pour repérer les personnalités les plus piquantes, comme ceux qui ont un chardon sur la tête, des plus doucereuses, comme ceux qui ont de la lavande.
On comprend déjà, à ce stade de l’histoire, que le végétête peut représenter un stigmate dont nul ne pourra se défaire.
Mais le héros n’est pas un personnage dont le végétête n’est pas en adéquation avec la personnalité. C’est quelqu’un qui n’en a pas du tout.
Et puisque, pour tout un chacun, la fleur donne à voir qui on est, ce personnage là n’est pas grand-chose.
D’ailleurs, il se nomme Monsieur D. Zert.
Aucun médecin, aucun engrais, aucune chimie n’a pu faire pousser la moindre brindille sur sa tête.
Devenu adulte, sa seule occupation est son travail. Il tient une boutique d’oiseau d’ornement, destinés à faire joli installés dans les branchages des végétêtes.
Mais un jour on lui livre un oiseau tout tordu, moche et qui chante mal.
Comme on peut s’y attendre, l’oiseau va changer le regard que Monsieur D.Zert porte sur lui-même, il va changer sa vie.
Mais la fin de l’album est beaucoup moins attendue, beaucoup plus singulière, déstabilisante presque.
L’album refermé on s’interroge encore sur ce dénouement sans parvenir à déterminer avec certitude s’il est heureux.
Il y est pourtant question de s’émanciper des normes sociales, de réalisation de soi, d’épanouissement.
On pense alors de nouveau au titre. Cette fracassante rencontre est probablement salutaire. Mais il y a bien là l’idée de quelque chose qui se brise.
Les optimistes seront enclins à penser que c’est un carcan qui vole en éclat. Les autres s’arrêteront peut-être au fait que Monsieur D.Zert a dû abandonner son corps, si peu conforme aux attentes sociétales.
Quoi qu’il en soit, c’est un album qui ne laisse pas indifférent et tant mieux, il n’y a rien de pire à mes yeux que la littérature tiède.