Mère Méduse Kitty Crowther pastel 12€50

isbn:978-2-211-21813-9

Dans sa maison au bord de l’eau, Mère Méduse va donner le jour à un enfant. Mais la présence des sages femmes n’est tolérée que le temps de l’accouchement. Mère Méduse aspire à rester seule avec son bébé. Dans la mythologie grecque, la méduse à des cheveux de serpent et elle a le pouvoir de pétrifier celui qui croisera son regard.

Les cheveux de Mère Méduse cachent son visage et protègent son bébé. Une fille, bien sûr. On ne saurait imaginer un garçon dans cette lignée sans père. L’enfant est baptisé Irisée, comme la nacre qui tapisse et protège l’intérieur des coquillages. « Tu es ma perle » pense Méduse. Et, effectivement, la mère possède totalement l’enfant, de ses bras ou de ses cheveux elle l’enveloppe, le couve, le retient… En l’absence de père, personne ne vient séparer la mère et la fille.

Mais Irisée grandit et elle a besoin des autres. Son regard s’éternise vers les enfants qui jouent sur la plage. Méduse est une mère aimante, quand Irisée exprime le désir d’aller à l’école, elle l’entend, elle va même s’adapter bien plus qu’on ne l’en aurait cru capable.

Si Kitty Crowther est un auteur majeur dans la littérature jeunesse, c’est peut être parce qu’elle ne livre jamais tout. Chacun de ses albums garde une part de mystère, des zones d’ombre. C’est dans ces zones que les enfants imaginent, qu’ils ont la liberté de construire leur vision de l’histoire.

Mère Méduse a déstabilisé plus d’un adulte à qui je l’ai montré. A commencer par moi d’ailleurs. Parfois, la question arrive alors: « Mais qu’est-ce que les enfants peuvent y comprendre? » Ce que les enfants comprennent de cet album ne regarde qu’eux. Ils n’ont pas à nous rendre compte des émotions que la lecture a pu soulever. Ils n’ont pas à nous livrer ce qui se joue alors dans leur intimité. Mais, j’en ai la certitude, cet album résonne en eux fortement, il les nourrit, leur donne de la force. Ils identifient les thèmes de la fusion, de l’émancipation nécessaire, de l’amour inconditionnel de la mère.

Un garçon de 5 ans m’a demandé avec insistance: « Il est où le père? Il est où père méduse? ». Je n’ai pas la réponse. Je lui ai juste dit que l’histoire ne le dit pas. Moi, j’ai mon idée. Je pense que Mère Méduse a été fertilisée par les vagues, que la mer est la semence. Cette idée (d’adulte) me vient des pages de gardes, qui montre des méduses flottant qui m’évoquent fortement des images de spermatozoïdes. Mais ça n’est qu’une hypothèse et après tout, ça n’a pas d’importance. Il appartient à chacun de faire ses propres hypothèses et d’élaborer ses propres réponses.

Voir aussi le billet de Pépita.