Ruby tête haute, Irène Cohen-Janca, Marc Daniau, éditions des éléphants, 15€
Il y a des histoires qui font l’Histoire et il est important de les
raconter, de les transmettre, de les faire exister pour surtout,
surtout, ne jamais les oublier. L’histoire de la petite Ruby est de celles là.
Dans la Lousianne des années 60, les noirs et les blancs ne se mélangent pas. Ruby, comme tous ses camarades, va donc à l’école qui leur est réservée. Rien de plus normal pour cet enfant de 6 ans
qui a toujours connu la ségrégation. Avec sa famille, ses amis, elle
vit dans un monde uniquement peuplé de noirs, à l’école comme pendant
les vacances.
Mais un jour, des militants de l’égalité viennent frapper chez eux et convainquent sa mère d’inscrire Ruby à l’école des blancs (sous réserve d’un examen particulièrement difficile).
Personne ne demande son avis à la fillette. Personne ne lui explique les enjeux de sa réussite. Et, quand elle rentre à l’école des blancs, c’est sous les menaces de la foule haineuse, entourée de quatre policiers chargés de sa protection.
Ruby semble presque protégée par sa naïveté, elle ne comprend pas pourquoi devant l’école des manifestations sont organisées quotidiennement, ni pourquoi elle est la seule élève de sa classe. Elle va même jusqu’à reprendre les comptines racistes entendues dans la bouche des enfants blancs, sans les comprendre.
Tous les jours, c’est avec calme et en étant posée qu’elle traverse la foule des haineux.
L’histoire débute par une mise en perspective. Dans une classe, des enfants découvrent le tableau The problem we all live with, peint par Norman Rockwell et qui est ici réinterprété par Marc Daniau, montrant la véritable Ruby Bridges, encadrée par des policiers, se rendant pour la première fois à l’école. Les enfants d’aujourd’hui ont du mal à interpréter cette image, ils font des hypothèses, sont assez loin de la vérité, ils n’ont pas les codes pour la décrypter, ils ne savent rien de la ségrégation, ou si peu.
Puis on rentre dans le récit proprement dit, Irène Cohen-Janca donne la parole à la petite Ruby, et c’est à travers ses yeux que l’on découvre la rancœur et la fureur des uns, le soutien des autres. Et ses besoins d’enfants, qui voudrait juste jouer avec des copains. Pourtant, elle n’est jamais aigrie, jamais en colère, elle fait toujours preuve d’une grande dignité, du haut de ses six petites années.
Et, grâce à elle, les choses changent. L’année suivante, Ruby pourra se rendre à l’école sans escorte et y fréquenter à la fois des enfants blancs et d’autres enfants noirs qui, comme elle, ont désormais le droit de fréquenter l’école du quartier.
Les peintures de Marc Daniau sont aussi émouvantes que le texte. Et, grâce au grand format elles sont particulièrement immersives. On est en empathie totale avec cette fillette qui reste sereine face aux visages, déformés par la haine, des manifestants. On a envie de marcher à ses côtés.
Généralement Ruby tête haute, qui relève plus du texte illustré que de l’album, est proposé à partir de 9 ans.
Moi je l’ai lu à des enfants de 7 ans, en les accompagnant dans la lecture. Ils ne sont pas trop jeunes pour s’identifier à Ruby, ni pour comprendre la haine dont elle a été l’objet.
Je pense qu’il doit aussi très bien se prêter à des lectures en classe, où il doit susciter des discussions nécessaires.