La maison de Yu Ting, Anne Thiollier, HongFei, 12€70
En réalité la maison, c’est juste le cadre. Au centre de la maison, il y a le jardin.
Ce jardin (plein de lumière) va être le théâtre d’une petite scène familiale, presque banale, mais mise en valeur par la forme poétique du texte (qui se construit comme une comptine à accumulation) et la grande beauté des images.
Seulement trois protagonistes dans cette histoire, et ils ne sont quasiment pas en interaction les uns avec les autres: Yu Ting, que l’on voit dès le début dans les illustrations mais qui n’arrive qu’à la moitié du texte, sa grand mère, mentionnée à chaque page mais que l’on voit pourtant très peu, et le chat, occupé tantôt à poursuivre un criquet tantôt à se remettre de son effort en faisant une bonne sieste.
Chaque page reprend le texte des précédentes et l’enrichit d’une phrase nouvelle qui apporte des précisions. On a l’impression d’être dans une répétition systématique mais l’auteure s’amuse à nous surprendre par des petites variations.
On retrouve les mêmes variations dans les images. Plans éloignés ou très gros plan, plongée vertigineuse du haut du jujubier ou contre-plongée sur le visage de la fillette, plan d’ensemble ou vignettes qui mettent en valeur un détail. Chaque illustration est délicate et soignée. On se sent drôlement bien dans le soleil de ce jardin, on a l’impression qu’il est immense, sans limites (pourtant le début du livre nous a montré que c’est un jardin clos, au centre de la maison de Yu Ting). Il se dégage une atmosphère très agréable de cet album.
Avec la douceur de ses images et la structure de texte proche de la comptine, on peut le proposer à des enfants très jeunes, pourquoi pas des bébés.
Une amie libraire m’a dit qu’elle le vendait souvent à des parents d’enfants de CP, qui veulent s’exercer à lire. J’ai donc testé avec ma propre mouflette qui vient de rentrer au CP et en effet, c’est impeccable: Elle lit des pages de texte de plus en plus longues (ce qui la met dans une situation de réussite qui est toujours salutaire pour apprendre) sans s’essouffler, puisqu’il s’agit en réalité de répéter les mots qu’elle a mémorisé dans les pages précédentes. Je constate aussi (sans grande surprise) qu’en lisant le texte, elle semble perdre de ses capacités de lecture de l’image: elle n’avait pas repéré le criquet que le chat s’apprête à chasser sur le banc. On ne peut pas se concentrer sur tous les domaines à la fois (je veille à continuer à lui lire des livres à voix haute pour lui laisser le loisir de plonger dans l’image, rassurez vous)