Avant après, Anne-Margot Ramstein, Matthias Aregui, Albin Michel jeunesse 

J’aime infiniment me laisser surprendre par les enfants. Les écouter et être épatée par leur sens de l’a-propos ou au contraire rester perplexe devant l’absurdité apparente de leur raisonnement.

Les albums sans texte sont particulièrement propices à cela. Ils donnent la parole aux mouflets (qui s’en emparent ou non). Nous, adultes, devons alors accepter de passer au second plan, de lâcher prise, ce n’est plus nous qui menons la lecture. On a parfois du mal d’ailleurs.

Avec l’album « Avant après » les enfants ont souvent plein de choses à dire. Parce qu’il n’y a pas de texte mais aussi parce que chaque succession d’image raconte une histoire, invite à la réflexion, étonne ou amuse.

Cet imagier montre successivement deux états d’une même chose (objet, lieux, animal) à deux moments différents. Le gland devenu chêne, le glaçon devenu flaque. A chacun d’imaginer ce qui a pu se passer, d’évaluer le temps, très variable, qui sépare les deux images.

Si l’action se déroule généralement dans l’intervalle entre deux pages certaines séquences nous prennent par surprise, nous incitent à revenir en arrière dans le livre pour faire le lien: Cet arbre qu’on voit en été puis en automne est bel et bien le chêne qu’on a vu naître d’un gland en début de livre.

On repère aussi quelques références aux contes qui ne laissent pas les enfants indifférents (les trois petits cochons, cendrillon) et les auteurs s’amusent parfois à nous mettre dans une boucle temporelle (l’œuf et la poule, évidemment).

Certains enfants, particulièrement bavards, nous offrent un accès privilégié à leur pensée, on peut alors s’émerveiller de ce qu’ils ont à dire.

D’autres ont besoin d’être guidés avec les livres sans texte, je leur donne alors quelques clefs de lecture dont ils sont libres de se saisir ou non.

C’est toujours un exercice d’équilibre périlleux que d’essayer de leur ouvrir des portes de compréhension sans leur imposer notre propre interprétation. Mais en étant très attentif à l’enfant auquel on lit l’album, en se laissant guider, en évitant d’être trop interventionniste, on peut passer des moments extra.