Article paru dans la revue Le furet petite enfance n° 90, en septembre 2018

Deux albums pour découvrir le monde et ses saveurs

Quoi de plus agréable, pour découvrir un pays, que de faire un tour au marché ? Lieu de rencontre et de gourmandise, on n’y vient pas seulement pour faire des achats mais pour le plaisir des odeurs, des saveurs, rencontrer les habitants et la cuisine locale.

Dans Bébé va au marché, alors que sa mère fait ses emplettes, le bambin est confortablement installé sur son dos, dans un pagne coloré. Sa petite bouille irrésistible ne laisse pas les marchands indifférents.

Madame Ade lui fait cadeau de six bananes. Le fripon en mange une et dépose les cinq autres dans le panier, sur la tête de sa mère qui ne s’aperçoit de rien. Un peu plus loin, ce sont cinq oranges qui lui sont offertes. Hop, une avalée, quatre dans le panier. Viennent ensuite quatre chin-chins sucrés, trois épis de maïs etc… A travers ce livre à compter, on découvre les fruits et les spécialités locales.

Les autrices nous font voyager en Afrique de l’ouest en évoquant le marché de leur enfance : Si l’agitation joyeuse se retrouve partout à travers le monde, d’autres éléments sont caractéristiques : La couleur de la peau, les tenues, les mets vendus etc… L’album offre ainsi un véritable dépaysement à l’enfant. La structure narrative répétitive offre un point de repère et permet d’anticiper sur la suite du récit.

La chute suscite l’amusement. Le lecteur se fait alors complice de bébé : Quand maman découvre son panier plein, elle loue la gentillesse de son petit qui, pense-t-elle, a sagement tout déposé dans le panier sans rien manger. Si cette fin plait tant aux enfants, c’est probablement parce qu’ils s’identifient au petit gourmand.

Plus surprenant, ils peuvent aussi s’identifier à un fermier indien, c’est le cas à la lecture de Falgu le fermier va au marché.

Tomates, coriandre, piments, œufs, la charrette de Falgu est bien chargée. Mais les bœufs trébuchent sur la route défoncée, et voilà les œufs fêlés. Plus loin, c’est une famille de canards qui traverse sans faire attention. Les bœufs pilent, les sacs glissent, les piments sont tout écrasés.

La route est encore longue et petit à petit, toutes les marchandises vont s’abîmer, Falgu n’a plus rien à vendre. Heureusement, il a l’idée d’emprunter une poêle et de transformer tout ça en délicieuses omelettes. Devant son étal une longue queue se forme et sa journée est sauvée.

Nous retrouvons ici les mêmes ingrédients que dans Bébé va au marché : Structure répétitive, chute qui évoque la malice du protagoniste…

Là encore, des marqueurs culturels forts sont associés à une histoire universelle.

Ces deux livres permettent aux enfants d’éprouver que l’on peut être semblable dans la différence en mettant en place un double processus d’identification et de différentiation.

En tant que professionnels de la petite enfance, nous avons à cœur d’éveiller les enfants à l’altérité. Ces deux lectures  cultivent ces qualités. Cerise sur le gâteau, elles donneront peut-être envie aux enfants de découvrir la saveur du chin-chin sucré ou le bouquet de la coriandre, pour une découverte gourmande des autres cultures.