Une super histoire de cow-boy, Delphine Perret, les fourmis rouges, 11€90
Quand on écrit pour les enfants, on a une grande responsabilité. Il ne faudrait pas traumatiser ces pauvres bambins. Ni leur donner le mauvais exemple. Ni choquer leurs parents. Ni bien sûr leur apprendre de vilains mots. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les parents (moi la première) sont très regardants sur les livres qu’ils donnent à leurs enfants. On vérifie la qualité du vocabulaire, l’éthique du message, la lisibilité des images.
C’est différent pour les dessins-animés ou les jeux sur tablette, là c’est bon, les gamins peuvent regarder n’importe quoi, de toutes façons, nous pendant ce temps, on fait la vaisselle.
Mais les livres, attention, faut peser tous ses mots, sinon gare aux censeurs qui ne sont jamais très loin.
Delphine Perret a parfaitement compris ça, alors quand elle veut faire une histoire sur un cow-boy, elle prend certaines précautions. Par exemple, elle remplace son héros par un singe, tellement plus mignon qu’un type aux dents cariés et à l’air renfrogné.
Évidemment, elle ne dessine pas non plus le pistolet, c’est dangereux, ça fait peur et puis après les enfants ils vont rien faire qu’à vouloir jouer à la guerre (et ça, vous le saviez peut-être pas, mais c’est mal).
Du coup, une banane dans les mains de son héros fera aussi bien l’affaire.
L’histoire se décline donc en deux parties, page de gauche celle d’un cow-boy sanguinaire qui mange des lapins au petit déjeuner, racontée uniquement par le texte et, page de droite, celle d’un singe ayant pour acolyte une autruche (histoire d’assurer la parité, sans elle il n’y aurait que des garçons dans le livre).
Avec ce décalage, elle étrille en douceur tous les tropismes du moment: la tendance au politiquement correct, la censure et l’auto-censure, les nouveaux sujets tabous (comme la cigarette, remplacée par du chewing-gum). Elle va jusqu’à supprimer le foin de ses images: il est allergène!
C’est très drôle, bien mené, les enfants se délectent du décalage entre les pages de droite et de gauche et au passage ils affinent leur capacité à lire l’image. Le duo singe/autruche en plein cours d’aérobic (histoire de ne pas montrer la terrible bagarre) les amuse particulièrement.
Quant à nous adultes, on se régale de cette complicité que l’autrice instaure avec nous. Bien sûr on adopte son point de vue, le “politiquement correct”, au sens à la mode donc péjoratif, c’est toujours l’autre, n’est-ce pas?
Allez, pour affiner la réflexion, je vous offre en petit bonus le lien de cet article du site naître et grandir sur le fait de laisser les enfants jouer à la guerre. Où l’on constate que non, ça ne va pas faire d’eux des psychopathes assoiffés de sang.