The end, Florence Gilard, esperluette, 2024, 22€

On devine les soirées en famille devant le western (la dernière séance peut-être?), et le regard d’un enfant qui, tout à la joie de décoder les lettres qui s’affichent à l’écran prononce à voix haute « Te And ». Maman corrige: Ziiii èèènde, mais c’est assez mystérieux aussi. The hand?

A ce souvenir d’enfance s’en ajoutent d’autres, ceux d’une grand-mère aimée, du bruit de sa machine à coudre qui ressemble tant au galop des chevaux dans la petite lucarne. Le matériel de couture se mêle aux figurines de cow-boys et aux petites voitures. Le papier à patron fait un bon terrain de jeu. Petit à petit, l’enfant narrateur comprend qu’il y a un caractère définitif dans « The end » et l’enfant à qui on lit le livre devine la disparition de la grand-mère représentée ici.

L’autrice tisse son histoire dans les blancs, les non-dits, l’ellipse.

Elle évoque plus qu’elle ne raconte, à nous de bosser un petit peu, de remplir les vides, de faire appel à nos propres souvenirs ou à nos capacités d’interprétation. Une maison au nom évocateur, un « nous » qui laisse deviner des cousins, des gamins qui jouent en bande, et la mémoire chancelante de la grand-mère il y a à la fois de l’intime et de l’universel dans ces pages.

On ressent une nostalgie joyeuse, une tristesse légère, comme une plume. Cette ambiguïté des sentiments se retrouve dans les choix chromatiques: ombre et lumière, fusain et toile cirée au jaune rayonnant.

Les émotions sont effleurées avec délicatesse, les petits lecteurs invités à éprouver plus qu’à analyser. Ils font alors l’expérience de la littérature, qui se ressent plus qu’elle ne s’explique.