La pyramide de Nola, Marie Barguirdjian, Claude K. Dubois, éditions d’eux, 2023, 17€
Depuis que la mode est aux livres sur les émotions, auteurs et éditeurs s’emparent du sujet avec plus ou moins de bonheur.
En discutant avec les parents et les professionnels qui plébiscitent ce type d’ouvrage, je comprends qu’ils cherchent avant tout des livres sur les émotions négatives, dans l’idée d’en amoindrir les effets. Faire en sorte que l’enfant ait moins peur, qu’il soit moins triste et surtout, qu’il soit moins colérique (plus grand monde n’ose parler de caprice mais l’idée est bien d’éviter les crises des mouflets).
Je comprends bien l’idée. Personne n’aime voir son enfant trembler de colère. Mais je doute fort que la solution réside dans la littérature, et d’ailleurs, je doute fort qu’on puisse obtenir d’un enfant qu’il ne soit jamais en colère. Et est-ce bien souhaitable?
Bref, je l’ai déjà évoqué et je pense que je suis loin d’avoir fait le tour du sujet, j’ai une relation ambiguë aux livres qui abordent cette thématique.
De temps en temps, je tombe sur un album pépite, qui me semble traiter le thème de la colère enfantine avec justesse précision, tout en étant parfaitement à hauteur d’enfant. C’est le cas avec La pyramide de Nola.
C’est l’histoire d’une petite fille qui construit tranquillement une pyramide sur la plage. Elle n’a besoin de personne, si ce n’est de la complicité de Max, son doudou, qui a le bon goût d’adhérer à toutes ses propositions.
Mais son frère, puis son père, et enfin sa mère et même le bébé, se joignent à elle, sans jamais avoir demandé son consentement. Chacun y va de son conseil et se met à l’ouvrage. La pyramide de Nola devient le château de toute la famille.
Contrariée, elle s’installe un peu plus loin pour recommencer. Mais c’est qu’ils ne veulent pas la laisser jouer en paix, ils veulent absolument participer, persuadés que c’est sympa et qu’elle va apprécier.
C’est pas qu’ils sont méchants, maltraitants ou quoi que ce soit. Ils sont même manifestement pleins de bonnes intentions. Mais visiblement, ils ne sont pas accordés à ses envies à elle. Et elle, comme elle est petite, elle ne parvient pas à les exprimer. Alors ça sort un peu brutalement pendant le repas, et elle est rapidement envoyée dans sa chambre.
Heureusement, son père et sa mère sont tout de même assez attentifs pour finir par mieux cerner les circonstances.
Ce que j’apprécie dans cet album c’est qu’il ne donne de leçon ni aux enfants ni aux parents. Il montre juste la réalité d’une situation et le malentendu qui peut survenir.
Les illustrations très tendres et douces de Claude K. Dubois portent parfaitement cette histoire en incitant à la plus grande des empathies pour chacun des personnages.