Tut-tut Yuichi Kasano, école des loisirs, 2021, 8€
Il y a des auteurs qui sont vraiment forts pour capter l’attention des enfants en quelques pages, trois mots et quatre dessins.
Yuichi Kasano est de ceux-là. Il excelle dans les albums complexes, qui transmettent beaucoup d’informations, à la limite du documentaire par exemple dans “Cueillons les feuilles de thé” mais il est également remarquable quand il fait des petits albums aux pages cartonnées destinés aux tout petits.
Ici, un bus, rouge, qu’un simple point noir sur le pare-brise suffit à personnifier. À son bord, trois petits cochons, museau au vent, tout contents. Voilà une moto. Tut-tut, le bus rouge la double. Puis un taxi. Et même un (gros) camion.
Le bus rouge double tout le monde, les petits pourceaux en sont ravis.
Les voilà arrivés à destination, maman les attends. Dès demain, ils remonteront dans le bus rouge.
Mais les enfants à qui vous lirez cet album n’attendront certainement pas le lendemain pour vous demander de recommencer!
C’est un petit album d’une remarquable efficacité, qu’on relit en boucle avec toujours le même plaisir.
Sorti d’abord en 2018 cette nouvelle édition propose un format légèrement plus petit, idéal pour les petites menottes des mouflets, qui apprécient également de le feuilleter tout seuls.
La petite boite, Yuichi Kasano, l’école des loisirs 8€ 2021
D’abord, il y a un renard, qui trouve une petite boite. Et hop, il saute dedans. A son sourire et à sa posture, on devine tous les jeux qui s’offrent à lui. On suppose déjà que la boite va devenir voiture, cabane, bateau. (On pense immédiatement aux jeux d’Escarbille et Chaboudot dans La chaise bleu, autre album en tout points parfait. ) Il est sur la page de gauche, devant lui celle de droite offre un espace vide, plein de promesses. Mais sitôt la page tournée, un élan s’approche. Sourire entre les deux personnages, ouf, le jeu va se poursuivre à deux. Mais dès qu’il s’est glissé à l’intérieur, ce sont des canards qui se présentent, puis un ours, mais cette fois, il n’est pas le bienvenu: Il n’y a plus de place affirment tous les autres. Vraiment? C’est compter sans la générosité naturelle des personnages de Kasano. La fin m’évoque irrésistiblement Tu nous emmènes?, elle est tout aussi réjouissante.
J’aime énormément tous les albums de cet auteur. Ils ont une simplicité qui touche à la perfection. C’est limpide, évident, ça fait mouche à chaque fois. Et avec La petite boite, nous avons affaire à un concentré de Yuichi Kasano, comme un nectar: c’est très court, très simple, et ça englobe ce que j’aime de tous ses albums.
Bon, il n’y a pas les plans vertigineux et les variations de cadrage qu’on peut trouver par exemple dans “vite à la rivière”, mais au contraire un plan fixe, qui donne une unité à cette petite saynète dans laquelle les personnages entrent toujours du même côté avant d’être réunis dans la boite et dans le jeu.
Tous ceux d’entre vous qui ont travaillé dans cette section (ou qui ont un enfant qui a entre deux et trois ans) le savent, c’est un âge qui se caractérise par un besoin de mouvement impressionnant et des attitudes qui peuvent déstabiliser les adultes.
C’est généralement chez les moyens que les livres sont le plus abîmés.
C’est aussi les moyens qui sont les rois pour nous laisser en plan au milieu de la lecture, décidant brusquement d’aller jouer plus loin ou de se mettre en mouvement, dans un besoin de motricité qui nous laisse perplexe.
Dans leur désir d’autonomie, ils veulent souvent regarder les livres tout seul (parfois au cri de “MOI TOUT SEEEEUL” quand on leur propose notre aide pour tourner les pages par exemple) mais leur motricité est encore un peu maladroite.
Souvent ils aiment les livres vite lus, les livres qui font échos à leur soif de déplacement (gros succès des livres sur les engins à cet âge là), des livres qui leur donnent envie de bouger.
Paradoxalement, ils sont parfois capables d’écouter les histoires longues et nous surprennent souvent par leur capacité de concentration (surtout en fin d’année, il faut le dire).
Ils restent des lecteurs de l’image étonnamment performants et peuvent parfois rester de longues minutes à scruter une illustration (et ils y voient en général plein de détails qui nous avaient échappés)
Dans ce top 20, il y a donc des livres solides (entendez par là, aux pages cartonnés), des livres qui déménagent, des imagiers mais aussi des histoires plus longues. Et bien sûr, des comptines, il n’y a pas d’âge pour chanter.
François Delebecque, éditions les grandes personnes
Du trotteur à l’avion, en passant par la trottinette, tous les modes de transport qui font rêver les petits (et les grands) sont présentés dans ce livre à cache.
Sam aime sa voiture. D’ailleurs, il nous la montre sous toutes ses coutures, au point qu’on est presque dans un premier documentaire pour les tout petits.
Je reconnais que ce n’est pas le livre idéal pour calmer une section de moyens en ébullition, mais il correspond remarquablement bien à leur besoin de motricité.
Cueillons les feuilles de thé, Yuichi Kasano, Nobi-nobi, 12€
Comme souvent, Yuichi Kasano nous offre une plongée dans le Japon rural et familial avec justesse et simplicité.
Ici c’est la récolte annuelle du thé en famille qui est montrée, à travers l’oeil du jeune héros et avec une précision digne d’un documentaire.
Tout commence chez papi et mamie. Le thé est si bon ici! C’est qu’il est confectionné sur place et cette année, le jeune narrateur va pouvoir participer pour la première fois.
Cueillir les feuilles (uniquement les plus tendres) en évitant les araignées, les faire cuire, ce n’est déjà pas facile. Il faut ensuite les pétrir, longuement, alors qu’elles sont encore chaudes.
Le bambin ne ménage pas ses efforts, comme le reste de la famille. Mais ça vaut le coup, c’est encore meilleur quand on l’a fait soi-même!
Petit à petit, au fil de ses albums, Yuichi Kasano arrive à nous rendre le Japon presque familier. On a même l’impression de faire un peu partie de la famille, on profite de la transmission instaurée entre les différentes générations. On ressent toujours un lien chaleureux entre les personnages et on se sent bien au milieu d’eux, comme le chat ou les poules qui se promènent dans l’image.
On retrouve les ingrédients qui font le succès des albums de Kasano: belles illustrations pleine page, personnages toujours expressifs, variation dans les cadrages et multiplication des points de vue, souci du détail. Et un texte qui va à l’essentiel, tout en étant réellement précit.
Pousse, petite pousse! Yuichi Kasano, Nobi nobi, 11€50
Une petite fillette à couettes trouve un jour dans son jardin, une minuscule pousse. Accompagnée d’un chaton, elle décide de prendre soin de la plante. Hop, elle chausse ses bottes et va chercher l’arrosoir. L’effet est fulgurant et ils sont bien surpris de voir la petite pousse devenir si grande si rapidement. Mi amusés mi fascinés, ils suivent la progression de cette version rampante du haricot magique.
La plante investit le jardin puis grimpe le long du fil à linge et entre dans la maison. Dans la cuisine, sous les yeux ébahis des mamans (celle de la fillette et celle du chaton), elle ouvre la porte des placards, fait voler les bouteilles. Enfin, elle s’étend jusqu’à l’arrière du jardin et la façade de la maison.
Comme toujours, les personnages de Yuichi Kasano sont très expressifs, même la plante (si, si). Amusement, fascination, incrédulité et joie passent tour à tour sur leurs visages. Côté texte, c’est minimaliste: juste les mots d’encouragement de la fillette pour sa plante. Ça suffit à rythmer le récit et ça laisse toute la place qu’elle mérite à l’image.
La quatrième de couverture nous informe: “Yuichi Kasano évoque à demi mots l’énergie débordante des jeunes enfants, qui eux aussi grandissent bien vite, parfois beaucoup trop aux yeux des parents”. Effectivement, la plante déborde joyeusement, interroge les limites, est dotée de sa volonté propre, tout comme les bambins. Et, grâce aux bons soins de la fillette, la toute petite pousse du départ nous réserve en fin d’album une adorable surprise.
Il est déjà tout équipé, le bambin qui s’apprête à nous entrainer dans son sillage vers la rivière et son impatience est palpable. Le trajet jusqu’à la baignade est déjà une promesse de plaisirs: même si ça grimpe dur en vélo, on sent que la promenade est un plaisir.
Il file, il file et son père peine à le suivre, mais arrivé au bord de l’eau il fait à peine une petite halte, son objectif est un peu en amont.
Alors il remonte le cours d’eau, toujours à vive allure, et ne prend le temps de s’arrêter ni pour ramasser des cailloux avec son ami Také, ni pour construire un barrage avec Yasuko, ni pour la course de bateaux feuille. Ce qu’il cherche à atteindre, c’est la cascade, qui forme un toboggan naturel. Et aujourd’hui, il va descendre tout seul, sans l’aide de son père (ça tombe bien, il a besoin d’une pause le pauvre, après cette folle course)
Les albums de Yuichi Kasano sont toujours très contextualisés dans le Japon moderne et rural, pourtant l’universalité des thèmes sont tels que l’on y retrouve toujours sa propre enfance. Trier les petits cailloux, observer les petits poissons, sont des jeux qui ont traversé les générations. Et surtout, comme le petit Hiro, les enfants aiment se donner des défis et surmonter leur appréhension pour les relever.
La vue en plongée de la cascade nous aide à ressentir la petite montée d’adrénaline qui doit parcourir le jeune héros. Et le gros plan sur sa bouille ravie quand il s’est enfin jeté à l’eau fait plaisir à voir.
Comme toujours avec cet auteur il y a une véritable maitrise graphique, du choix des cadrages et points de vue au séquençage des pages.
Un album idéal pour se replonger dans l’ambiance des vacances et ressentir cette joie et cette légèreté de l’enfance.
Vite, à la maison! Yuichi Kasano, école des loisirs, 11€50
Au Japon, quand on arrive chez soi il est de coutume d’annoncer son retour au son de “Tadaima” et on reçoit en général “Okaeri” en réponse, ce qui pourrait être traduit par “coucou, je suis là” et “bienvenu”
C’est ce rituel qui est montré ici, avec le retour d’un garçonnet chez lui. Il va saluer, non les gens comme le veut la coutume mais les animaux de la famille et même le robot, avant d’aller rejoindre ses parents dans le salon de coiffure où ils travaillent, derrière la maison.
L’enfant est très joyeux de rentrer chez lui et il reçoit un accueil chaleureux: “Wouf! Wouf!”, “bloub… bloub…” , jusqu’au Biip biip du robot, chacun lui répond à sa façon.
On le suit à travers les différentes pièces de la maison, typiquement japonaise, et on partage avec lui la bonne humeur paisible de ce retour au bercail.
C’est avec bonheur que l’on retrouve ici Yuichi Kasano s’adressant aux plus petits, avec toujours la même évidence qui fait la qualité de ses albums. Comme toujours, il va à l’essentiel et soigne particulièrement les cadrages, la place du texte dans l’image, les traits des personnages.
La forme très répétitive n’est pas sans rappeler le classiqueBonsoir Lune, mais ici il ne s’agit pas d’accompagner l’enfant vers le sommeil mais de l’émerveiller devant cette petite joie du quotidien: retrouver les siens.
Un chouette album qui se prête très bien à la lecture aux bébés et qui peut aussi émouvoir des bambins de maternelle.
Et c’est avec ce livre que je vous souhaite un bel été, le blog entrant en pause estivale.
Je continue, à distance, à alimenter la page facebook, où vous trouverez tout l’été des liens concernant la littérature enfantine ou la petite enfance. Et je suis aussi sur twitter.
Le poisson rouge de Nanami, Yuichi Kasano, école des loisirs 12€70
Ce n’est pas la première fois que Yuichi Kasano nous offre un album à la limite entre l’histoire et le documentaire. Ici, il raconte la vie de Léo, un petit poisson rouge, de sa naissance dans une ferme piscicole du Japon jusqu’à son adoption par la petite Nanami.
Cette hybridité entre le documentaire et le récit se retrouve dans les illustration, qui mêlent des grandes images et des vignettes qui apportent des précisions. Léo, d’abord petit œuf anonyme parmi ses semblables, est désigné sur chaque image par une petite flèche rouge.
Sur une frise, on le voit grandir. Saviez vous que jusqu’à 50 jours les poissons n’étaient pas rouges mais jaunes? Et même transparents à la naissance? Je l’ignorais, comme beaucoup de choses que cet album m’a appris.
Comme souvent chez cet auteur, la part belle est faite au Japon rural et à ses traditions, même si Léo va transiter par Tokyo.
On suit avec plaisir les aventures du poisson rouge, et même si on s’inquiète un peu pour lui par moment (pauvre petit, trimbalé de camions en sacs plastique, stocké dans un sceau ou pêché à l’épuisette), on sait dès le début grâce au titre qu’il sera finalement accueilli dans un foyer. D’ailleurs, dans le regard de la petite Nanami, il est unique.
Yuichi Kasano prouve une fois de plus avec cet album sa grande maîtrise de l’image et du récit. Détails présentés sur fond blanc ou pleine pages qui varient les points de vue (avec beaucoup de vues plongeantes), précision du trait, chaque illustration est finement travaillée et nous emporte avec fluidité dans l’histoire.
Tu nous emmènes? Yuichi Kasano, école des loisirs 11€50
isbn: 9782211088602
Il se dégage de chaque album de Yuichi Kasano une clarté, une évidence, une limpidité qui n’a pas son pareil.
Dans ce nouvel album, il nous emmène, effectivement, dans l’histoire. Et on le suit volontiers. Sur la page de titre, l’histoire commence. On y voit un petit garçon et son papa, marteau à la main, qui construisent un biplan: “tap tap tap tap!”
Suit une pleine page qui nous le montre de face, maintenant peint en rouge, et le sourire du père en dit long sur la satisfaction du travail accomplit. “Ça y est! L’avion est terminé.”
Une place à l’avant pour papa une autre à l’arrière pour l’enfant, chouette, on va pouvoir survoler les champs. Mais le chien voudrait bien en être, lui aussi. Aussitôt dit, aussitôt fait, avec quelques planches, papa cloue la niche sur l’aile de l’avion.
Cette fois c’est le départ. Ah non, mince, maintenant c’est la famille cochon qui intervient: “Tu nous emmènes?”
Vous l’aurez compris, tous les animaux veulent participer au voyage. Et ça tombe bien, en s’adaptant un peu, on peut faire de la place pour tous!
Les pages à l’extérieur sur le fond vert tendre de l’herbe où les animaux se présentent tour à tour pour monter dans l’avion alternent avec des pages de bricolage, dans les quelles des onomatopées se mêlent au dialogue entre l’homme et les animaux.
Il ne manque pas d’ingéniosité ni d’imagination pour faire de son avion une construction bringuebalante mais accueillante.
Les coloris francs, la clarté du trait, la simplicité de l’histoire, font de cet album un vrai bijou. La magie opère, comme dans l’histoire, quand l’improbable avion tout de guingois finit par décoller et retrouver un équilibre serin au milieu des oiseaux. Même la poule, qui se cachait déjà dans le hangar à la première page trouvera sa place dans l’avion.
Bloub-bloub-bloub Yuchi Kasano, école des loisirs 8€70
isbn: 978-2-211-21729-3
Dès qu’on ouvre l’album, on sent le vent chaud qui souffle doucement et l’odeur de la mer. On est déjà en vacances. Un bambin flotte sur sa bouée, tranquille, seul au milieu de l’eau, il a l’air très détendu. Dans le ciel, le soleil est rond comme sur un dessin d’enfant. Et une mouette le survole. Mais, bloub, bloub, bloub, qu’est ce qui arrive, là, par en dessous? Légèrement inquiet, le mouflet attend de voir ce qui va surgir de l’eau. Oh, la bonne surprise, c’est papa. Un papa à lunettes de plongée et au grand sourire, qui soulève son petit haut dans le ciel. Parce que c’est bien connu, les papa, c’est grand et fort. Mais, bloub bloub bloub, y aurait il plus fort et plus grand encore?
Cette fois le bambin est ravi de monter plus haut encore, mais le papa est moyennement rassuré quand la tortue le soulève hors de l’eau. De bloub bloub en bloub-bloub-bloub, les animaux de plus en plus gros vont se succéder et l’empilement devenir de plus en plus périlleux. Le père a les yeux qui s’arrondissent alors que l’enfant est de plus en plus joyeux. Quand il est finalement plus haut que le soleil, la mouette vient naturellement se poser sur la pile… Mais c’est le moment où, patatras, comme une pile de cubes en bois tout s’effondre.
Le lien avec les jeux d’empilement cher aux enfants est évident, tout comme le plaisir qu’ils ont à écouter cette histoire. Comme il est bon d’être grand ainsi. En sécurité dans les bras paternels, l’enfant se régale et il est prêt à recommencer derechef dès la chute. Comme d’ailleurs les enfants à qui on lit cet album et qui demandent immanquablement une relecture immédiatement. Et indéfiniment. Heureusement, on ne s’en lasse pas trop, le texte est précis, rythmé et agréable à lire, l’image pleine de petits amusements, en particulier le contraste entre la bouille ravie de l’enfant et celle du père.
Réédité en version cartonné, pour les petites mains maladroite, qui se prête bien à ce sens d’ouverture et permet de présenter le livre posé comme un château de carte sur une table.