Un abri, Adrien Parlange, la partie, 2024, 20€

Sur le désert d’une double page, un rocher pointe, pile au centre. Le soleil est harassant, il faut s’en protéger. La seule ombre disponible est celle offerte par le rocher. Une enfant s’y installe. Un serpent arrive. Il prend sa place à l’ombre, l’enfant se recroqueville. Puis c’est un renard qui s’approche.

À chaque fois qu’on tourne la page, du temps s’est écoulé, l’ombre a bougé. Son mouvement est rendu avec une remarquable précision. L’histoire a commencé le matin, le soleil est à son zénith quand renard, serpent et enfant doivent cohabiter sous l’ombre réduite au minimum.

En même temps que le jour défile, la couleur dominante change presque imperceptiblement. L’oranger du soleil levant laisse petit à petit la place à un jaune s’éclaircissant avant une teinte rosée qui annonce le violacé de la nuit. L’ombre grandit, d’autres animaux arriveront.

On lit parfois que Un abri est une version de la moufle, il est vrai qu’on y retrouve la thématique des animaux se regroupant. Mais, outre le traitement graphique, tout à fait singulier, la chute est parfaitement inédite.

Je suis toujours impressionnée par la puissance narrative des images d’Adrien Parlange, rien n’est laissé au hasard dans ses livres. Ici je retrouve un peu l’ambiance à la fois minimaliste et très construite de La chambre du lion, un de ses premiers albums paru en 2024.

La reliure japonaise m’a d’abord un peu contrariée parce qu’elle donne une certaine fragilité à l’objet (et dans mon activité professionnelle les livres sont très manipulés par les enfants, ça ne m’inquiéterait pas pour un usage familial). Mais elle permet à l’album de s’ouvrir complètement à plat, évitant ainsi la déformation de l’image en son centre, ce qui est essentiel ici puisque c’est précisément sur le pli que se trouve le rocher.